Palmarès

Artindex France 2018

Palmarès France : la relève en marche

Par Stéphane Renault · Le Journal des Arts

Le 16 février 2018 - 1597 mots

Rendez-vous annuel, le classement Artindex des 250 premiers artistes français constitue un bon indicateur de l’évolution de la scène hexagonale, en particulier de la montée en puissance de la jeune garde.

Kader Attia
Kader Attia
Photo Sam Mertens

Si la fortune critique d’un artiste fluctue assez logiquement au gré de ses expositions – l’histoire de l’art est faite de critiques, parfois injustes, d’indignations, de scandales tout autant que d’éloges dithyrambiques –, sa présence dans des institutions internationales influentes lui confère une visibilité accrue, voie accélérée. Ainsi se construisent sur le moyen et long terme les carrières artistiques. Certes, s’agissant des artistes vivants, l’effet générationnel joue. Sauf traversée du désert ou œuvre tombée dans l’oubli, les expositions s’accumulent à mesure qu’un artiste avance en âge. Encore ne suffit-il pas d’avoir vécu, il faut continuer à créer et surtout à exposer, puisqu’il s’agit ici du critère de référence. Reste que la valeur n’attendant pas le nombre des années, certains jeunes artistes, très sollicités par un effet de mode, en raison de leur talent, ou des deux conjugués, peuvent connaître une progression fulgurante.

Le classement des dix premiers de cette liste est stable dans son ensemble. Bien que relativement jeune, Anri Sala (né en 1974) reste le champion toutes catégories, occupant la première place avec 544 expositions internationales. Daniel Buren (né en 1938) et Christian Boltanski (né en 1944), tous deux récipiendaires (en 2006 et 2007) du prestigieux Prix Praemium Imperiale japonais, totalisent respectivement 889 et 741 expositions dans le monde. Ils restent, sans surprise, dans le haut du classement, Buren passant à la 2e place devant Boltanski. Pierre Huyghe (né en 1962), dont l’installation monumentale aux Skulptur Projekte Münster en 2017 a fait forte impression, et Philippe Parreno (né en 1964), de la même génération, se classent à la 4e et 8e place, sans changement notable cette année, à l’instar de Sophie Calle (née en 1953), célébrée à Paris au Musée de la chasse et de la nature, en 6e position. Kader Attia (né en 1970), prix Marcel Duchamp 2016, progresse de 3 places et pointe au 5e rang, suivant son évolution exceptionnelle dans le Top 100 monde. Le duo Claire Fontaine perd quant à lui une place.

S’installer à New York ou Berlin
La palme de la progression France revient cette année à Camille Henrot (née en 1978), qui intègre le Top 10, en devenant ainsi la benjamine. Elle gagne 6 places par rapport à l’an dernier. Avec 170 expositions dans le monde, la plasticienne française installée à New York a bénéficié d’une forte audience avec des projets d’envergure : « If Wishes Were Horses » à la Kunsthalle de Vienne, en Autriche, et la très médiatisée carte blanche « Days are Dogs » au Palais de Tokyo, à Paris. C’est l’un des enseignements de l’analyse de ce palmarès 2018 : de nouveaux entrants accèdent au haut du classement et un nombre croissant de jeunes artistes connaissent des évolutions rapides.

Si l’on ne peut que continuer à déplorer le manque de visibilité des artistes français, notamment des plus jeunes, sur la scène internationale – le classement monde en est une illustration flagrante –, la jeune génération parvient malgré tout à s’installer dans le paysage et progresser. Le plus souvent en allant vivre ailleurs, à Brooklyn ou Berlin, d’où elle se construit une visibilité qu’elle peine parfois à trouver dans l’Hexagone. Pour mieux y revenir et exposer, comme sous l’effet d’un exotisme flatteur. Contrairement aux États-Unis ou à l’Allemagne, où la chose est entendue, notre pays a encore bien du mal à soutenir ses artistes. À moins que ceux-ci ne soient adoubés par d’autres, ce qui les rend soudainement plus intéressants. Nul n’est prophète en son pays et l’herbe est plus verte ailleurs. À quand la fin du « French bashing » ? Gageons que les choses sont en train de changer. Et que le monde de l’art, à son tour, dise bientôt : « France is back ! »

Parmi les mouvements les plus significatifs au sein de ce palmarès, plusieurs plasticiens réalisent une forte performance. Pour les collectionneurs, cet indicateur peut être interprété comme celui des valeurs montantes sur lesquelles miser, même s’il convient de nuancer le propos, les critères pris en compte dans ce classement le distinguant de celui des cotes sur le marché… lequel n’est cependant jamais très éloigné de la consécration institutionnelle. Ce d’autant plus lorsqu’un artiste se voit décerner un prix, atout distinctif en début de carrière. Est-il besoin de le rappeler, tout artiste commence par être contemporain avant d’entrer dans l’histoire. Les jeunes talents d’aujourd’hui, dont l’œuvre est en cours d’élaboration, préfigurent les grands noms de demain. C’est à l’avènement de cette relève que l’on assiste actuellement.

Adrien Missika, lauréat du 13e prix de la Fondation d’entreprise Ricard en 2011, installé à Berlin, gagne ainsi 40 places, se hissant au 111e rang. Il a participé à de nombreuses expositions collectives l’an passé, à La Panacée à Montpellier, au Palais de Tokyo dans « Le rêve des formes », et à d’autres de Lisbonne au Canada en passant par la Suisse et Berlin. Olga Kisseleva passe, elle, de la 72e à la 41e place. 59e, Michel Blazy gagne 22 places. Marie Cool Fabio Balducci font un bond de 63 places et arrivent en 101e position.

Des progressions qui se poursuivent
Suivant une belle et régulière évolution dans le classement, Davide Balula, installé à New York, passé de la 182e place en 2016 à la 146e en 2017, gagne cette année encore 32 places pour s’établir à la 114e. Il totalise 100 expositions dans le monde.

À la 123e place, Louise Hervé & Chloé Maillet engrangent 61 places. Le duo, de plus en plus dans la lumière, a été invité à la Kunsthalle de Vienne, au Portugal, en Bulgarie, s’est vu consacrer une exposition monographique à la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo à Turin et bénéficie actuellement d’une importante exposition au Crédac, centre d’art contemporain à Ivry-sur-Seine (lire p. 22). 125e, Bertille Bak avance de 34 places. Hicham Berrada, classé 130e, continue avec brio sur sa lancée remarquée l’an passée (+ 205 !) et progresse encore de 52 places cette année.

Nommé parmi les quatre candidats en lice pour le prix Marcel Duchamp 2018, Clément Cogitore (né en 1983), lauréat du 18e prix de la Fondation d’entreprise Ricard et sélectionné pour le César du meilleur premier film en 2016, s’affiche au 159e rang, avec une progression notable de 73 places depuis l’an dernier. Il n’était en 2016 que 391e avant d’intégrer le classement des 250 premiers artistes français en 2017. Indéniable valeur montante parmi les jeunes créateurs, il a connu une année riche, soutenu à la fois par le marché – une exposition à la galerie Eva Hober – et les institutions, notamment au Palais de Tokyo et à travers le prix Le Bal de la jeune création en collaboration avec l’ADAGP pour son film Braguino ou la communauté impossible, sorti en salle.

Autre vidéaste au renom grandissant, également nommée pour le prix Marcel Duchamp cette année, Marie Voignier (née en 1974) connaît une progression spectaculaire de 106 places qui lui permet d’intégrer cette année le Top 250 français. Elle a exposé en 2017 dans sa galerie, Marcelle Alix (qui compte dans son écurie d’autres artistes ici mentionnés), et a été sélectionnée par Christine Macel pour montrer son travail à la 57e Biennale de Venise. Elle a en outre participé à des expositions collectives à la Künstlerhaus Bremen (Allemagne), à la National Gallery de Sofia (Bulgarie) et au Musée d’Angoulême (œuvres de la collection du Frac [Fonds régional d’art contemporain] Poitou-Charentes. Le Frac Lorraine l’accueille en 2018.

Au 183e rang, Claire Tabouret (née en 1981), qui vit et travaille entre Los Angeles et Paris, continue de monter, gagnant 32 places après une année qui l’a vue exposer ses toiles au côté de Yoko Ono à la Villa Médicis à Rome, au Creux de l’Enfer à Thiers (Puy-de-Dôme), à la Friche la Belle-de-Mai à Marseille et au Yuz Museum à Shanghaï.

L’année Hélène Delprat
En fin de classement, deux autres avancées fulgurantes sont à noter parmi les nouveaux entrants. La Marseillaise Pauline Curnier Jardin (née en 1980), qui vit et travaille aux Pays-Bas, accède à la 196e place avec un bond de 169 places. Présente elle aussi à la Biennale de Venise – formidable tremplin international s’il en est –, elle faisait partie des artistes en lice pour le 19e prix de la Fondation d’entreprise Ricard dans l’exposition « Les bons sentiments ». Son travail a été montré à la Fiac (Foire internationale d’art contemporain), en plus d’un solo show chez Ellen de Bruijne Projects à Amsterdam.

205e, Hélène Delprat (née en 1957) gagne quant à elle 190 places. Si cette dernière appartient à la génération précédente, à l’instar d’un Alain Fleischer (né en 1944) qui gagne 56 places, impossible de ne pas la mentionner. L’artiste, enseignante aux Beaux-Arts de Paris, représentée jusqu’en 1995 par la Galerie Maeght, a connu une année intense avec une exposition de grandes toiles chez Christophe Gaillard, délicieusement intitulée « Moi qui adore Barnett Newman, on peut dire qu’on en est loin », et une première exposition monographique présentant l’ensemble de son travail, « I Did It My Way », à La Maison rouge-Fondation Antoine de Galbert, à Paris.

À la 209e place, lui aussi nouvel entrant, Maxime Rossi (né en 1980), en plein essor, gagne quant à lui 59 places. Représenté par la très pointue Galerie Allen (Paris), il a été exposé en 2017 au Musée régional d’art contemporain de Sérignan (Hérault), au Musée d’art contemporain de Rochechouart (Haute-Vienne) et en groupe dans le cadre des Rencontres internationales Paris/Berlin ou à la Fondation Fiminco (Romainville).

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Classement des 250 artistes français : PDF

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°495 du 16 février 2018, avec le titre suivant : Palmarès France : la relève en marche

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