Art contemporain

L’épopée peu connue de l’Atelier Pasnic

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 7 juillet 2022 - 492 mots

PARIS

L’atelier de gravure a édité pendant 40 ans les estampes de dizaines d’artistes célèbres à l’aide d’une technique singulière.

En 1979, deux jeunes passionnés d’estampes, Pascal Gauvard (1957-2019) et Nicolas du Mesnil du Buisson (1955-2019) décident de créer, à Colombes en banlieue parisienne, un atelier d’impression d’estampes avec le soutien du peintre James Coignard (1925-2008). L’aventure a malheureusement pris fin il y a 3 ans avec le décès à quelques semaines d’intervalle des deux fondateurs.

En 40 ans, l’Atelier Pasnic (les trois premières lettres de Pascal et Nicolas) a imprimé et édité des centaines d’estampes d’artistes aussi réputés que Jean-Pierre Pincemin, Hervé Di Rosa, Antonio Seguí, Miguel Barceló, Michel Hass, Jacques Villeglé … Pasnic n’est pas un atelier d’impression comme les autres, il utilise une technique particulière : la gravure au carborundum inventée par l’artiste Henri Goetz.

Contrairement au burin ou à l’eau forte où l’artiste creuse dans une plaque, ici il dessine sur une plaque recouverte de poudre de grains de carborundum (un carbure de silicium) avant de fixer la surface avec un liant (vernis ou adhésif). L’encre se dépose ensuite entre les aspérités formées par ces grains qui peuvent être de taille variable.
L’effet est très séduisant car le rendu n’a pas la sécheresse de la taille-douce et se rapproche de la sensation de la peinture. Les artistes pouvaient utiliser des encres de toutes les couleurs et ne s’en privaient pas comme Hervé Di Rosa. Ils appréciaient surtout la grande liberté et souplesse qu’offrait cette technique. « Antonio Seguí disait toujours qu’il avait regretté de ne pas avoir découvert l’atelier avant et que c’était vraiment fait pour lui, et qu’il trouvé dans la gravure un espace de liberté » se souvient Zeina Toutounji-Gauvard, l’épouse de Pascal Gauvard.

Les premiers artistes à venir à l’atelier, et non des moindres, ont tout de suite été conquis par ce nouveau médium : Bram van Velde, Keith Haring…  Et la dimension expérimentale de l’atelier favorisait un esprit de solidarité avec les deux imprimeurs. 

Pasnic était à la fois éditeur de ses propres artistes et imprimeur pour le compte d’autres éditeurs : François Benichou, Yvon Lambert. La vente des estampes se faisait directement à l’atelier, dans des foires (Art Basel) ou en dépôt auprès de galeristes (Artcurial). Le succès a été au rendez-vous en raison des tirages limités (une vingtaine d’exemplaires) et du caractère original de chaque tirage ; parfois un artiste pouvait modifier la plaque entre deux impressions. Comme beaucoup de galeristes, Pasnic a traversé des difficultés dans les années 1990 et a dû se réinventer dans un format plus réduit. « Personnes ne maîtrisait mieux cette technique que Pascal et Nicolas » précise fièrement Zeina Toutounji-Gauvard.

Cette dernière a repris le flambeau avec les filles de Pascal et Nicolas et raconte cette épopée à travers un site internet (www.atelier-pasnic.com), des expositions dans des foires ou en galerie comme celle qui se tient jusqu’à dimanche 10 juillet à l’Espace Beaurepaire (28 rue Beaurepaire, Paris X).

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