ANGOULÊME
Éditeurs et auteurs réclament le départ de Franck Bondoux, directeur du festival de BD, sous peine de boycotter les prochaines éditions.

Angoulême (Charente). L’étau se resserre autour du directeur du Festival international de la BD à Angoulême après que les grands éditeurs ont annoncé lundi 10 novembre qu’ils ne viendraient pas à l’édition 2027, voire celle de janvier prochain si 9eArt+, la société de Franck Bondoux, était reconduite dans la gestion du festival. La charge est partie de plusieurs auteurs de BD et non des moindres (Jacques Tardi, Riad Sattouf, François Shuiten…) qui ont signé une pétition publiée dans le quotidien L’Humanité, dénonçant un « Festival [qui] accumule les scandales, les erreurs de communication et le manque d’ambition, tout cela dans une totale opacité de gestion ». Le contrat de 9eArt+ a en effet été renouvelé le 8 novembre dernier par l’association propriétaire de la manifestation, à l’issue d’un appel d’offres. Mais il est lui cependant demandé de constituer un tandem avec l’autre acteur de l’écosystème de la BD à Angoulême, la Cité internationale de la BD qui avait également participé à l’appel d’offres et souhaité prendre la place de 9eArt+. De son côté, Franck Bondoux avait annoncé qu’il quitterait dans tous les cas son poste de délégué général après l’édition de 2027.
« Tout cela est complètement fou et inintelligible, explique au Journal des Arts Franck Bondoux. Je ne comprends pas les reproches qui me sont faits. » Le dirigeant n’accepte pas la critique d’opacité de gestion, mettant en avant le contrôle de ses comptes par un commissaire aux comptes et son engagement de ne pas verser de dividendes aux actionnaires de la 9eArt+ qui a déclaré un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros en 2023 (derniers chiffres publiés) pour un résultat net de 6 000 €. « Les rumeurs d’opacité se cristallisent notamment autour de notre société partenaire, Partnership Consulting, qui gère le marketing. Mais là encore, il existe un contrat extrêmement clair connu de l’expert-comptable, du commissaire aux comptes, et des financeurs publics », ajoute-t-il.
Le dirigeant réfute également les critiques de « management toxique » : « En vingt ans, il n’y a eu pas un seul signalement administratif ni même un seul prud’homme », explique-t-il. Mais alors pourquoi ce prud’homme avec cette salariée entrée depuis peu dans l’entreprise et victime d’un viol ? « Cela n’a aucun rapport, explique-t-il, l’agression a eu lieu en dehors du Festival dans un appartement privé, et les raisons de son licenciement sont liées à son comportement pendant ses horaires de travail au festival, marqué par l’alcoolisme et ses mauvaises relations avec les autres salariés. »
Franck Bondoux pense que le fond des critiques est lié à la ligne éditoriale qu’il tente de maintenir entre une offre très grand public qualifiée de « commerciale » et une production alternative soucieuse de diversité et d’inclusion. Plusieurs auteurs ne se retrouvent pas dans une manifestation qu’ils jugent trop mercantile avec ses grandes tentes d’éditeurs. Pourtant le modèle économique du Festival repose justement sur la présence – payante – des éditeurs attirés par un public venu nombreux pour acheter des ouvrages dédicacés par leurs auteurs.
« Le Festival semble être la caisse de résonance de l’inflexion du marché depuis deux ans », explique-t-il. Le marché de la BD et du manga explose en effet depuis la fin des années 1990 avec une accélération dans les années 2000, passant de 193 M€ en 2007 à 821 M€ en 2022, provoquant un énorme appel d’air auprès de jeunes auteurs notamment « alternatifs » qui ne trouvent pas toujours leur public. Mais, depuis 2023, les ventes ont baissé.
La Région et la mairie d’Angoulême vont devoir prendre très vite des décisions pour sauver une manifestation très importante pour la vie locale et reconnue internationalement grâce notamment au travail de 9eArt+. Et trouver une voie de passage entre les auteurs alternatifs et les grands éditeurs qui pour l’instant font front commun contre Franck Bondoux mais n’ont pas forcément les mêmes ambitions pour le festival.
« La bande dessinée est l’enfant bâtard de l’art et du commerce », disait Rodolphe Töpffer (1799-1846), un des pionniers de la bande dessinée, cité en exergue par Pierre Lungheretti, l’ancien directeur de la Cité de la BD dans son rapport sur la BD en 2019.
L’association propriétaire du festival de BD d’Angoulême (FIBD) a annoncé jeudi 13 novembre un nouveau processus de sélection pour le choix du futur organisateur de l’événement après 2027, dont sera écarté l’actuel délégataire 9eArt +. Pour autant, plusieurs auteurs et éditeurs ont exigé le retrait de Franck Bondoux dès l’édition de janvier 2026.
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Le directeur du Festival d’Angoulême poussé vers la sortie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : Le directeur du Festival d’Angoulême poussé vers la sortie








