Art contemporain - Disparition

La disparition du peintre avant-gardiste russe Erik Boulatov

Par Quentin Humblot · lejournaldesarts.fr

Le 13 novembre 2025 - 566 mots

Figure majeure du Sots Art, il s’est éteint à Paris où il résidait, le 9 novembre à l’âge de 92 ans.

Erik Bulatov au Garage Museum of Contemporary Art, Moscou, 2016. © Garagemca, CC BY-SA 4.0
Erik Bulatov au Garage Museum of Contemporary Art, Moscou, 2016.

Il était l’un des derniers représentants du conceptualisme moscovite et du Sots Art (équivalent soviétique du Pop Art). L’artiste russe Erik Boulatov est décédé le 9 novembre 2025 à l’âge de 92 ans à Paris. Il était connu pour ses œuvres mêlant phrases en cyrillique et paysages urbains ou ruraux, contribuant ainsi au renouveau de l’art contemporain en Russie.

Né le 5 septembre 1933 à Sverdlovsk (aujourd’hui Iekaterinbourg) dans l’Oural, il déménage dès l’enfance à Moscou pour suivre son père, cadre du Parti communiste. Entre 1947 et 1952, il étudie à l’École de peinture, de sculpture et d’architecture, avant de poursuivre jusqu’en 1958 sa formation à l’Institut des beaux-arts Sourikov.

Mal à l’aise avec le réalisme socialiste, style officiel imposé par le régime même après la décès de Staline en 1953, il devient illustrateur de livres pour enfants avec son ami l’artiste Oleg Vassiliev, avec lequel il collaborera pendant plus de trente ans et remportera plusieurs prix.

C’est lors d’un festival, quand l’URSS commence timidement à s’ouvrir au reste du monde qu’il découvre le Pop Art. Dans les années 1960, il fonde avec ses amis - parmi lesquels Oleg Vassiliev, mais aussi Ilya Kabakov, Vladimir Yankilevsky et Viktor Pivovarov - le groupe Boulevard Sretenski, du nom de la rue où ils se réunissaient. Ce cercle se caractérise par une ligne en rupture avec le réalisme socialiste, se rapprochant davantage des avant-gardes russes du début du XXᵉ siècle. Erik Boulatov devient alors une figure éminente du conceptualisme moscovite, à l’image de ses confrères.

Jusqu’alors méconnu en URSS et ignoré en Europe, l’artiste sort de l’anonymat en 1985, au début de la Perestroïka initiée par Mikhaïl Gorbatchev. Il fait alors partie de la sélection du pays pour la Biennale de Venise de 1988. Il en profite pour émigrer à New York, puis à Paris, où il s’installe définitivement entre 1991 et 1992, tout en continuant à effectuer des allers-retours en Russie pour ses expositions.

Il fut très exposé en Russie dans les années 1960, mais principalement dans des cafés. À partir de 1988, les expositions et les rétrospectives se succèdent. La première a lieu à la Kunsthalle de Zurich, suivie presque immédiatement de celle du Centre Georges Pompidou la même année. En 2006, il bénéficie de sa première rétrospective d’envergure en Russie, à la Galerie d’État Tretiakov à Moscou. En 2013, dans la même ville, il est exposé avec son groupe au Musée d’art contemporain, musée privé de Roman Abramovitch, puis au Central Exhibition Hall « Manège » de Moscou en 2014. L’une de ses dernières grandes expositions, en 2023, célébrait ses 90 ans au Musée d’art de Nijni Novgorod.

Il n’a cessé de critiquer le régime russe et de le brocarder par la peinture, par exemple en reprenant des slogans officiels de l’État, comme dans « Gloire au PCUS » (2003-2005), donnée au Centre Pompidou en 2016 par le couple de collectionneurs Semerinikhine.

En 2008, il devient membre de l’Académie russe des beaux-arts et, en 2015, il est fait chevalier des Arts et des Lettres à Paris. Aujourd’hui, son œuvre figure dans de nombreuses collections : en Russie - au Musée d’État Tretiakov et au Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg - mais aussi en Europe et aux États-Unis, notamment au Musée Guggenheim de New York, au Musée Ludwig de Cologne et au Kunstmuseum de Bâle.

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