Disparition

DISPARITION

John Baldessari (1931-2019)

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 16 janvier 2020 - 526 mots

L’artiste californien s’est éteint le 2 janvier. Il fut très impliqué dans son enseignement au CalArts. Son œuvre pleine d’esprit est reconnue partout dans le monde.

Venice/Los Angeles. John Baldessari est décédé à l’âge de 88 ans le 2 janvier, à Los Angeles. Considéré comme un pionnier de l’art conceptuel, ce géant à la barbe blanche (il mesurait plus de 2 mètres) joua le rôle de mentor pour plusieurs générations d’artistes et influença le travail de nombre d’entre eux, tels que Cindy Sherman, David Salle, Barbara Kruger ou Mike Kelley. De sa pratique pédagogique, Baldessari disait qu’elle lui fit prendre conscience du fait que « l’art était une question de communication ». Professeur, entre autres, au California Institute of the Arts (CalArts), il recommandait à ses étudiants d’avoir à l’esprit trois choses. La première : le talent ne vaut rien. La deuxième : il faut être habité, ce qui ne se décrète pas ; enfin il s’agit d’être au bon endroit au bon moment.

Baldessari était né pour sa part en 1931 à National City, en Californie, un désert culturel qu’il contribua à transformer en une scène artistique de premier plan, bien que longtemps dédaignée par la critique new-yorkaise. Dès le milieu des années 1960, il commence à associer dans ses tableaux texte et images. Cette exploration d’un nouveau langage visuel le conduit à mettre un terme brutal à sa carrière de peintre abstrait : en 1970, il décide de brûler ses toiles réalisées entre 1953 et 1966 (« The Cremation Project »). Mais il en conserva les cendres, dans une urne de bronze en forme de livre qu’il montrait volontiers à ses visiteurs, car Baldessari ne cessa jamais d’être radicalement facétieux. En 1971, il conçoit une sorte de manifeste, une « Art Lesson » dont il délègue la réalisation à ses élèves : « I Will Not Make Any More Boring Art » [« Je ne ferai plus jamais d’art ennuyeux »]. De fait, ses séries photographiques défient les conventions de l’esthétique, jusqu’à s’approprier les techniques du cinéma : montage, découpage, collages et séquences. C’est l’époque où Baldessari collecte des photogrammes de films, les recyclant et les assemblant en compositions absurdes ou poétiques, mais toujours tenues à distance.

Un Lion d’or pour sa carrière

À partir du milieu des années 1980, il expérimente un nouveau procédé de manipulation des images en y apposant des formes colorées qui les oblitèrent partiellement. Ses montages prendront aussi la forme de grandes installations vidéo, comme Five 1968 Films (2001) qui ouvre à une infinité de lectures, interrogeant autant la narration que l’histoire. John Baldessari a bénéficié d’une reconnaissance totale : plus de 200 expositions personnelles lui ont été consacrées dans le monde, son œuvre a fait l’objet d’une rétrospective, « Pure Beauty », qui voyagea de la Tate Modern de Londres au Metropolitan Museum de New York, en passant par Barcelone. En 2009, la 53e Biennale de Venise lui décerna un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. Tout cela ne l’empêchait pas de craindre, non sans humour, que l’on en vienne à se souvenir de lui dans cent ans simplement comme de l’artiste qui collait des ronds de couleur sur des photographies. Accordons-lui plutôt d’avoir œuvré à éduquer notre regard.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°537 du 17 janvier 2020, avec le titre suivant : John Baldessari (1931-2019)

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