Numérique

Et les lumières furent, à Bordeaux

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 6 juillet 2020 - 559 mots

BORDEAUX

Base Sous-marine -  Pour qui a visité l’Atelier des lumières à Paris, le spectacle a des airs de déjà-vu : c’est une succession de six tableaux où les œuvres de Gustav Klimt et les détails de sa peinture s’animent au son de Richard Wagner, Philip Glass ou Beethoven.

À Bordeaux, toutefois, les nus féminins du peintre viennois, ses déesses cernées d’or, ses portraits diaphanes et ses paysages irriguent un espace démultiplié par une enfilade de murs, de passerelles, de piliers de béton, et se reflètent dans l’eau sombre de grands bassins. Présenté dans quatre alvéoles de la base sous-marine de Bordeaux,Gustav Klimt, d’or et de lumière prend une tout autre ampleur qu’à Paris, où il a d’abord été projeté. « Nous l’avons scénographié différemment pour le lieu : ici, tout paraît plus lent, ce qui nous a obligés à créer plus de mouvement », précise Augustin de Cointet de Fillain, directeur des Bassins de lumières, troisième centre d’art numérique, inauguré le 10 juin dernier, de la société de gestion de lieux culturels Culturespaces. Cette dernière porte à son faîte à la Base sous-marine ce qui a nourri son plébiscite dans les carrières des Baux-de-Provence, puis à Paris et en Corée : un lieu atypique et spectaculaire, plongé le temps d’un show immersif dans un déluge d’effets visuels et sonores, avec un dispositif didactique réduit au maximum pour mieux convoquer les sens. La projection dédiée à Klimt, à laquelle succède un programme court intitulé « Paul Klee, peindre la musique », s’y déploie sur une surface de 11 200 m2, soit huit fois plus que sa version parisienne. Le show investit un lieu à l’histoire aussi lourde que le béton armé dont il est entièrement construit : des réfugiés républicains espagnols enrôlés de force par les nazis entre 1941 et 1943. L’ampleur du chantier bordelais (14 millions d’euros) et la relative tranquillité avec laquelle Augustin de Cointet de Fillain évoque une inauguration ajournée par le confinement (elle était initialement prévue le 16 avril) suggèrent la solidité du modèle d’exposition numérique décliné par Culturespaces. Boudée par les puristes, qui y pointent le dévoiement spectaculaire du panthéon pictural moderne, la formule permet à la société privée d’équilibrer son bilan. Au regard d’expositions classiques, comme celles qu’elle organise sur les sites dont elle a la gestion (Musées Maillol, Jacquemart-André…), le spectacle immersif cumule deux avantages : « les coûts de production sont moindres, et on attire plus de visiteurs », résume Augustin de Cointet de Fillain. D’après ses chiffres, la création d’un show numérique coûte en moyenne 400 000 euros. Du reste, ce coût est lissé dans le temps, puisque chaque production navigue ensuite d’un site à l’autre. Surtout, la formule agrège un public bien plus large, familial notamment : 650 000 personnes en moyenne convergent chaque année aux carrières des Baux-de-Provence, 600 000 en Corée, et elles étaient 1,35 million à visiter l’an dernier l’Atelier des lumières à Paris. À la base sous-marine, les attentes sont plus modestes, du fait d’un bassin de population moins conséquent, mais Culturespaces mise tout de même sur 400 000 visiteurs la première année. D’autres ouvertures sont prévues prochainement, à Dubaï et New York. Autant de signes que la formule a su créer sa marque et sa patte propres, en se distinguant tout à la fois de l’exposition classique, du mapping architectural (dont elle mobilise pourtant les formes et technologies) et de l’art numérique.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°735 du 1 juillet 2020, avec le titre suivant : Et les lumières furent, à bordeaux

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