Art contemporain

Des canots de migrants à l'assaut des palais Renaissance : Ai Weiwei est à Florence

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 22 septembre 2016 - 653 mots

FLORENCE (ITALIE) [22.09.16] - Des canots pneumatiques orange accrochés à la façade d'un palais Renaissance: l'artiste chinois dissident Ai Weiwei est à Florence pour dénoncer à sa manière le calvaire des migrants, à l'occasion d'une grande exposition rétrospective.

"J'ai visité des dizaines de camps de réfugiés, en Grèce, en Turquie, en Syrie, en Israël ou dans la bande de Gaza, et j'ai parlé avec tous ces gens", explique Ai Weiwei, 59 ans.

"Ceux qui se battent pour leur liberté sont les héros d'aujourd'hui et mon travail n'est que de leur dire le profond respect que j'ai pour eux", a déclaré l'artiste.

Baptisée "Ai Weiwei libero" ("Ai Weiwei libre") et présentée comme la plus grande rétrospective de son oeuvre à ce jour, son exposition ouvre vendredi et se poursuivra jusqu'au 22 janvier dans le prestigieux palais Strozzi, au coeur de la capitale toscane.

Elle propose un parcours parmi une soixantaine d'oeuvres, installations monumentales, sculptures ou photographies de l'artiste chinois contemporain le plus médiatique... et le plus contesté.

Mais c'est avant même d'entrer dans le palais que le visiteur se retrouve interpellé par l'artiste, qui a aligné sur les façades de ce joyau architectural de la Renaissance italienne un total de 22 canots orange encadrant les fenêtres du deuxième étage.

Autant de symboles de la tragédie des réfugiés qui risquent encore leur vie par milliers chaque semaine sur des embarcations de fortune en Méditerranée.

Intitulée "Reframe" ("recadrer" en anglais), l'installation se veut, au-delà du geste artistique, une dénonciation, une revendication politique. "Si j'ai choisi Florence pour cette exposition, c'est aussi parce que l'Italie est le pays qui accueille le mieux les réfugiés. Jamais elle ne les rejette comme c'est le cas pour d'autres nations", a affirmé l'artiste au visage rond et à la barbe poivre et sel.

Vandalisme
"Reframe" n'a d'ailleurs pas manqué d'alimenter la polémique: la page Facebook du palais Strozzi a été inondée de messages, le plus souvent négatifs, dénonçant "l'horreur", "le vandalisme", "l'affront esthétique" ou encore "l'attaque idéologique à un des plus beaux édifices du monde".

"Je ne m'attendais pas à de telles critiques mais c'est très bien ainsi, elles doivent faire parler de nous", a répondu Ai Weiwei, habitué des provocations.

En février à Berlin, il avait déjà évoqué le drame des migrants avec une autre installation alliant passé architectural et actualité: il avait recouvert les colonnes de la Konzerthaus de 14 000 gilets de sauvetage orange récupérés sur l'île grecque de Lesbos, qui était alors le principal point d'entrée des migrants en Europe.

Mais l'exposition florentine ne s'arrête pas à la seule façade du palais Strozzi. A l'intérieur, l'artiste a installé les oeuvres les plus emblématiques de sa carrière, au côté de productions plus contemporaines.

Certaines appartiennent à son époque new-yorkaise, dans les années 1980 et 1990, où il découvre l'art de ses "maîtres" Marcel Duchamp et Andy Warhol, d'autres aux années 2000 avec des assemblages d'objets comme des bicyclettes ou des tabourets.

Des photos des célèbres "doigts d'honneur" réalisées par Ai Weiwei devant les sites les plus célèbres de la planète, de la Tour Eiffel à la Maison Blanche en passant par la place Tiananmen à Pékin, tapissent l'une des salles.

Spécialement pour l'exposition, Ai Weiwei a créé une série de portraits en Lego, une technique dont il est coutumier, représentant de célèbres "contestataires" toscans: Dante, Savonarole ou Galilée.

"Ces figures de l'histoire ont contesté à leur époque pour faire avancer les choses, il ne faut pas l'oublier", a souligné l'artiste.

Détenu en 2011 pendant 81 jours en Chine, Ai Weiwei est un critique féroce du gouvernement chinois, même si le climat est à l'apaisement ces derniers temps. Il assure que Pékin lui a récemment rendu son passeport et qu'il va bientôt pouvoir retourner dans son pays.

Artiste polyvalent, peintre, sculpteur et plasticien, Ai Weiwei, avait participé à la conception du "Nid d'oiseau", le spectaculaire stade de Pékin construit pour les jeux Olympiques de 2008.
 

Franck IOVENE

 

Légende photo

L'installation d'Ai Weiwei Reframe sur la façade du Palazzo Strozzi, septembre 2016 - Courtesy photo Ai Weiwei Studio

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