Art contemporain

ENTRETIEN

Agnès b. : « Avec la Fab., je partage ma collection en la montrant »

Créatrice de mode, galeriste, mécène

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2020 - 863 mots

PARIS

La Fab., qui abrite la collection d’Agnès b. et la Galerie du jour, sera inaugurée le 31 janvier dans le 13e arrondissement de Paris.

Agnès b © Photo Kazou Ohishi
Agnès b
© Photo Kazou Ohishi

Agnès b., née Agnès Troublé, figure atypique de la mode française et du monde de l’art tout à la fois styliste, collectionneuse, galeriste, productrice de films, éditrice, mécène et réalisatrice, explique au Journal des Arts la raison d’être de ce lieu d’une surface de 1 300 m2 dont 700 mètres carrés sont dévolus à sa collection et 200 à la Galerie du jour.

Comment est née « La Fab. » ?

J’ai commencé à collectionner en 1983 un an environ avant d’ouvrir la Galerie du jour. Aujourd’hui la collection compte près de 5 000 pièces. Depuis longtemps je souhaitais disposer d’un endroit pour la partager. L’idée était de s’installer dans un quartier populaire où l’offre culturelle était réduite. J’avais pensé au début au nord de Paris, à la Seine-Saint-Denis en particulier où se sont installées depuis de grandes galeries. Puis Jérôme Coumet, maire du 13e arrondissement parisien, m’a proposé ce bel espace dans un immeuble de logements sociaux conçu par [l’architecte] Augustin Rosenstiehl. Il devait y avoir un supermarché. Les volumes du rez-de-chaussée et du premier étage m’ont plu, le quartier et notre proximité avec la Bibliothèque nationale, le cinéma MK2, l’université Paris-Diderot aussi. Cet endroit du 13e est un nouveau Paris, vivant.

Pourquoi ce nom, « Fab. » ?

Il y a l’idée de fabrique de contenus, d’expositions, de lieu en mouvement. Elle n’est pas une structure muséale privée. Elle regroupe la Galerie du jour, la librairie, le siège du fonds de dotation [fonds de dotation Agnès b.] et un vaste espace pour montrer ma collection à partir d’une exposition thématique. Tous les trois à quatre mois, une autre vision sera proposée.

Vous signez l’exposition inaugurale. Quel a été votre parti pris ?

Je me suis rendu compte que la collection s’est construite tout le temps sur la hardiesse des artistes, comment ils sont différents, comment ils font évoluer l’art, comment ils osent. Cette hardiesse me motive. Il y aura dans l’exposition beaucoup de pièces que personne n’a encore vues dont un très bouleversant dessin de Jean-Michel Basquiat qui sert pour l’affiche et le carton d’invitation. Quant aux autres pièces que j’ai sélectionnées, elles vont de [Frédéric] Bruly Bouabré ou Harmony Korine que je connais depuis qu’il a 23 ans à de jeunes artistes que j’ai découverts récemment ou fait connaître, comme Claire Tabouret, exposée à la Galerie du jour. Il y aura beaucoup de choses différentes.

Lors de la gestation de la Fab., aviez-vous des références en tête comme La Maison rouge d’Antoine de Galbert ?

Non, même si j’ai beaucoup aimé La Maison rouge. La Fab est liée à ma personnalité, à mes choix. S’il y a des références, elles sont à rechercher dans mon désir de faire plutôt le contraire de ce qui se fait ailleurs. J’ai envie de faire autrement. Pour mes vêtements, j’ai toujours fait aussi autrement. Je suis très éclectique dans mes goûts, mes choix. Je le revendique depuis toujours. Cet endroit s’ouvre grâce à mon travail. Nous n’avons demandé d’aides financières à personne pour créer La Fab., ni à l’État, ni à la Région ou à la Ville de Paris.

Il n’y a pas de directeur ou directrice artistique dans l’organigramme de la Fab. Pourquoi ?

Parce que je connais très bien la collection puisque je l’ai constituée moi-même. Et à la Galerie du jour, j’ai toujours fait les choix et les accrochages, avec l’équipe bien sûr. Je suis très personnelle dans mon travail de galeriste, peut-être trop même.

Que signifie pour la Galerie du jour son installation au sein de la Fab. ?

Une évolution de son identité. Cela fait longtemps que je représente, accompagne et montre des artistes. J’avais envie de le faire autrement. J’ai donc imaginé l’espace comme l’intérieur d’un appartement ou d’une maison où tout est vendre : meubles, objets chinés, photographies, dessins, peintures ou sculptures d’artistes que l’on représente ou non. La galerie pourra également accueillir des choix de galeristes intéressés à faire connaître des artistes. Quand on vendra une pièce, on en mettra une autre à la place. C’est un endroit où l’on pourra aller et venir régulièrement pour voir ce qu’il y a de nouveau.

L’accrochage de la galerie ressemblera-t-il à celui de votre domicile ou de votre bureau ?

Oui, il répondra à mon instinct. Cela m’amuse beaucoup de me retrouver « ensemblière » de ce décor.

Quels liens entendez-vous développer avec les différents lieux culturels ou artistiques situés à côté de la Fab. ?

La BNF devrait accueillir nos projections de films d’artiste et notre autre voisin, le [centre d’art] Point Éphémère, que l’on aime beaucoup depuis l’« Hôpital Éphémère », va nous prêter ses écrans lors de l’inauguration.

La Fab. sera-t-elle aussi le lieu où vos partenariats ou soutiens à des associations caritatives, humanitaires ou engagées en faveur de l’environnement pourront donner lieu à des expositions, conférences ou débats ?

Peut-être, mais pas pour l’instant. J’ai toujours été discrète sur les actions que je soutiens. J’ai toujours dit qu’il faut que les gens riches partagent. Soutenir l’abbé Pierre, Emmaüs, c’est ma manière de partager. Je suis d’une nature partageuse. Avec la Fab., je partage ma collection en la montrant.

Agnès B. devant la porte d'entrée de La Fab. © Photo La Fab.
Agnès B. devant la porte d'entrée de La Fab.
© Photo La Fab.
La Fab.,
place Jean-Michel Basquiat, 75013 Paris, www.fondsagnesb.co

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°537 du 17 janvier 2020, avec le titre suivant : Agnès b., créatrice de mode, galeriste, mécène : « Avec la Fab., je partage ma collection en la montrant »

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