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Tourneur d’art

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 6 octobre 2006 - 691 mots

Une nouvelle génération de créateurs a dépoussiéré la technique traditionnelle du bois tourné.

Au vu des pièces créées par Marc Ricourt ou Laurent Guillot, il ne fait plus de doute que le bois tourné est devenu le support d’une créativité très éloignée de l’image galvaudée qui lui a longtemps été associée. Pratiquée depuis le Moyen Âge, la technique du bois travaillé au tour, comme la céramique ou, plus tard, l’ivoire, a connu un apogée à la Renaissance, période au cours de laquelle elle devient un véritable artisanat d’art. Alors que le bois tourné était jusque-là utilisé exclusivement pour la réalisation de pièces utilitaires (pieds de meubles, écuelles…) par des menuisiers ou des ébénistes, il investit le champ des objets de curiosité des cabinets d’humanistes, amateurs de formes complexes, et illustre la dextérité des artisans et leur connaissance de la géométrie. Techniquement, le procédé consiste à travailler une pièce de bois mise en rotation sur un tour – aujourd’hui électrique – à l’aide d’outils manuels volants : gouge, bédane ou racloir. Après ces quelques siècles glorieux, le tournage ornemental subit vers 1830 le début du machinisme, et la technique entre dans une longue phase de sommeil au profit d’une production souvent standardisée.

Des possibilités infinies
Un renouveau s’amorce depuis les États-Unis, dans le courant des années 1970. Les artisans du bois y expérimentent en effet des innovations techniques et créent des pièces à la limite de la sculpture, jouant sur les effets de texture, par brûlure ou grattage, ou sur la couleur du bois, qui peut être peint ou teint. Prouvant que le bois tourné peut être le support d’une inventivité débridée, les woodturners américains influencent progressivement la création internationale et française. En 1986 ouvre à Philadelphie le Wood Turning Center, un centre de ressources sur le sujet, qui devient dix ans plus tard un pôle d’échange avec la création d’un programme d’accueil en résidence (International Turning Exchange), qui a bénéficié à de nombreux artisans de l’Hexagone. « Cette expérience de deux mois m’a permis d’intégrer un réseau de collectionneurs et professionnels américains », témoigne Marc Ricourt. Menuisier de formation, ce dernier est arrivé au tournage par une voie détournée, après un passage aux beaux-arts. « Le geste me plaisait. J’ai acheté un tour et je me suis pris au jeu, témoigne t-il. Le tournage contemporain n’est pas une technique mais un amalgame de techniques. Tous les objets que je crée ont une base tournée, mais après, intervient le travail de sculpture ». Laurent Guillot, musicien puis luthier avant de devenir tourneur en 1995, apprécie pour sa part les possibilités techniques infinies qu’offre le tournage. « J’utilise des techniques d’excentration des pièces qui permettent de créer des formes complexes en décalant ou en multipliant les axes », explique-t-il. Il sculpte ensuite ses pièces en puisant son inspiration dans la nature. « Le tournage est un mode d’expression vraiment très complet, poursuit Laurent Guillot. Il permet d’aller très loin, soit en se confrontant aux techniques des XVIIe et XVIIIe siècles, soit en recherchant de nouveaux procédés. » Ce dernier envisage en effet de poursuivre son exploration du tournage avec d’autres matériaux que le bois, qui souffre d’une image parfois trop « rétro ». Pourtant, les quelque soixante-dix professionnels du tournage contemporain français peinent encore à présenter leur travail, quand il existe aux États-Unis une clientèle de collectionneurs très exigeants et plusieurs galeries de haut niveau, à Philadelphie et Los Angeles. « Les Américains n’ont pas la même vision du tournage, déplore Marc Ricourt. Les tourneurs y sont considérés comme des artistes à part entière alors qu’en France, nous avons du mal à sortir de l’artisanat. »

Formations

Le site de l’Association française du tournage d’art sur bois (Aftab), créée en 1997, répertorie le nom et les coordonnées de tourneurs formateurs adhérents de l’association. www.aftab-asso.com, tél. 04 74 71 63 56. - À lire : Agnès Bruno, Jasmine Covelli, Bois de rêve, bois travaillés, éditions des Musées des pays de l’Ain, 2002. - Galeries : Carlin Gallery, 93, rue de Seine, 75006 Paris,tél. 01 44 07 39 54. Galerie Ateliers d’art de France, 4, rue de Thorigny, 75003 Paris,tél. 01 44 01 08 30.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Tourneur d’art

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