Photographie - Profession

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Tireur de photographies

Par Valentine Buvat · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2005 - 774 mots

Homme de l’ombre, qu’il soit caché dans une chambre noire ou derrière un écran d’ordinateur, le tireur interprète l’œuvre du photographe.

« Le tireur est celui qui met en œuvre, définit le tireur Philippe Guilvard. Il fait d’une idée une réalisation tangible. » Son rôle principal se résume assez aisément : à partir d’un négatif fourni par le photographe, le tireur réalise une épreuve positive de l’image sur une feuille de papier. Ce sont l’art et la manière qui font les qualités d’un bon tireur. Plusieurs techniques sont à sa disposition, lui permettant de réaliser des tirages argentiques, également dits « à la main », et des tirages numériques, c’est-à-dire assistés par ordinateur.

Qu’il s’agisse d’un négatif couleur ou noir et blanc, le principe général de fonctionnement est le même lors de la réalisation d’un tirage argentique. Le négatif est placé dans un agrandisseur puis traversé par un rayon de lumière qui poursuit son trajet par une optique d’une grande précision. Le dispositif projette l’image lumineuse du négatif sur une feuille dont la sensibilité à la lumière va inverser les valeurs. Une fois le papier insolé, l’image positive est latente et n’apparaît qu’après avoir été trempée dans un bain d’agents révélateurs. Un bain fixateur permet enfin de la stabiliser définitivement. Les étapes de révélation et de fixation d’un tirage couleur ne supportent pas la plus minime variation de température et se font à l’abri d’une machine appelée « C 41 ». Le même type d’appareil existe également pour les tirages noir et blanc. Ceux-ci sont cependant moins sensibles, c’est pourquoi les tireurs plongent souvent eux-mêmes les feuilles dans les bains successifs. Ils assistent ainsi à la révélation de l’image, instant magique s’il en est de leur métier, et, plus prosaïquement, peuvent surtout intervenir sur la durée des bains.

Écran d’ordinateur
Un agrandisseur noir et blanc possède un unique faisceau de lumière blanche. À l’inverse, lorsqu’il œuvre à une épreuve en couleur, le tireur travaille avec trois canaux qui réfléchissent chacun l’une des trois primaires (cyan, magenta et jaune). En formulant des choix vis-à-vis de l’intensité de chacune, il offre sa principale interprétation de l’image. Le tireur peut ensuite agir en cachant à l’aide de ses mains une partie choisie de la feuille durant le temps d’insolation. Il peut modifier soit la densité, en sous-exposant une partie de l’image par rapport au reste, soit les couleurs, en tentant de rééquilibrer la bascule d’une image. Véritable ballet manuel, le tirage argentique est presque une épreuve physique. « Dans le laboratoire, la lumière est une matière, explique Philippe Guilvard. Je suis debout, presque dans l’image. Il y a une implication physique. Mais le travail à la main a aussi les limites du corps. »

Dans le protocole numérique, les possibilités d’intervention du tireur sont sensiblement les mêmes que lors du travail du laborantin. Les photographes utilisent dans leur grande majorité des pellicules argentiques, qui, une fois développées, sont scannées. Cette fois, c’est devant un écran d’ordinateur que le tireur officie à l’aide d’un logiciel spécifique, le plus souvent Adobe Photoshop. Dans ce travail, l’écueil est autre : « Il faut savoir prendre de la distance vis-à-vis de l’écran et de la perception mentale que l’on a de l’image », précise Philippe Guilvard. Une fois l’image travaillée, elle est envoyée sous forme de fichier numérique à une tireuse laser (Lambda ou Fuji Frontière) qui se substitue à l’agrandisseur et insole le papier photosensible à l’aide d’un laser. La révélation et la fixation sont ensuite confiées à la fidèle C 41.

« On assiste en ce moment à une confrontation des savoir-faire, constate Philippe Guilvard, lui-même rompu à toutes les techniques. À terme, les tireurs qui n’ont pas pris le tournant du numérique vont devenir des militants de l’impossible. Il y aura quelques résistants qui défendront une certaine qualité d’image, et j’espère en faire partie. Mais le respect du savoir-faire manuel ne signifie pas le dénigrement du savoir-faire numérique. » L’avènement du numérique pourrait cependant annoncer la mort d’une profession. De fait, « il signifie l’indépendance du photographe dès lors qu’il maîtrise l’outil informatique », remarque la jeune photographe Delphine Lermite. Une indépendance cependant relative, car les éminents compositeurs ne sont pas toujours les meilleurs interprètes et derrière chaque grande image de l’histoire de la photographie se cache un tireur.

Formation

Aucune formation ne destine précisément au métier de tireur. Toutefois, le tirage fait partie de l’enseignement dispensé aux étudiants des BTS Photo (lycée technique privée de la photographie à Toulouse, www.etpa-toulouse.com, tél. 05 34 40 12 00) et des écoles supérieures de photographie (École nationale supérieure Louis-Lumière à Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, www.ens-louis-lumière.fr, tél. 01 48 15 40 10).

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°218 du 24 juin 2005, avec le titre suivant : Tireur de photographies

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