Le rapport sur l’indemnisation des commissaires-priseurs

Réactions : entre scepticisme et semi-satisfaction

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 708 mots

Gérard Champin, président de la Chambre nationale des commissaires-priseurs
Le rapport soulève de nombreuses interrogations, car il propose notamment que les commissaires-priseurs puissent continuer leur activité dans le secteur des ventes volontaires, ce qui serait susceptible d’entraîner une modification des conclusions qui s’étaient dégagées des études et des concertations effectuées auparavant. Le rapport, tout en confirmant la nécessité d’une indemnisation intégrale représentant la valeur des offices, propose de nouvelles méthodes de calcul qui méritent un examen approfondi. La Chambre des commissaires-priseurs en étudie toutes les conséquences.

Joël-Marie Millon, président de la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris
La Compagnie des commissaires-priseurs de Paris a noté avec intérêt que l’exposé des motifs de la proposition remise à Madame le Garde des Sceaux soulignait la place particulière de Drouot et des ventes aux enchères à Paris. Les auteurs du rapport ont relevé que les études spécialisées dans les ventes d’œuvres d’art étaient soumises à une vive concurrence. Ils ont reconnu que l’indemnisation des commissaires-priseurs est un élément clé de l’ouverture du marché des ventes aux enchères publiques. Cependant, en première analyse, la traduction comptable de ces bonnes orientations n’apparaît pas clairement. Par exemple, le mode de calcul proposé ne correspond pas aux réalités des transactions effectuées à Paris entre 1991 et 1995. Le groupe de travail a pris également position sur des questions qui dépassent le cadre de l’indemnisation au sens strict, tel que le risque de confusion né du cumul éventuel d’une fonction d’officier ministériel avec une activité commerciale. Or, la solution proposée ignore l’imbrication forte entre activité judiciaire et activité volontaire, notamment dans le cadre des procédures collectives. Ce rapport est un document de travail. La Compagnie des commissaires-priseurs de Paris va l’étudier et fera des propositions pour renforcer la prise en compte des réalités du marché et de l’objectif politique de la réforme : asseoir le rang de la France sur le marché international de l’art.

Claude Aguttes, commissaire-priseur
Le but de l’indemnisation devait être de nous permettre d’affronter la concurrence. Mais rien n’indique dans le rapport quelle sera l’affectation de ces fonds. La plupart des commissaires-priseurs vont profiter de ceux-ci – puisqu’ils sont destinés au commissaire-priseur et non à l’entreprise – pour se constituer un bas de laine. Ne faudrait-il pas au contraire privilégier, via un crédit d’impôt, les commissaires-priseurs qui s’engagent, sous contrôle, à utiliser ces fonds – par ailleurs très faibles – pour investir, embaucher et développer leur activité ? En ce qui concerne l’échelonnement de l’indemnisation, après le versement initial de 40 % du montant de cette somme, tous ceux qui travaillent et obtiennent des résultats ne recevront jamais la seconde moitié des 60 % restants, qui ne seront versés qu’aux études dont le chiffre d’affaires aura baissé. On favorisera ainsi les commissaires-priseurs moins pugnaces aux dépens de ceux qui obtiennent des résultats.

Jean-Claude Binoche, commissaire-priseur
J’espérais une réelle coopération entre la profession et l’État pour bâtir l’Europe des ventes publi­ques. Malheureusement, en se focalisant sur l’indemnisation, en n’abordant pas la question fondamentale de l’harmonisation fiscale, les commissaires-priseurs et les auteurs du rapport prennent le problème par le petit bout du petit bout de la lorgnette. En outre, ces derniers traitent la profession avec mépris, avec une logique sous-jacente : l’État ne doit rien, contentez-vous du peu qu’on vous donne. La suppression du cumul – officier ministériel et commerçant – n’est pas forcément une bonne chose. Certaines règles déontologiques du statut font l’honneur et l’originalité des ventes publiques françaises. Les propositions que j’ai formulées (lire le JdA n° 54) ne sont pas reprises. Au fond, c’est normal, les rapporteurs ne les avaient pas encore lues !

Jacques Tajan, commissaire-priseur 
J’ai été le premier à trouver le projet d’indemnisation de Jacques Toubon très excessif. Je pense que ce nouveau projet serait très satisfaisant. Pourtant, avec le projet Toubon, mon étude aurait été valorisée à 60 millions, alors qu’elle le sera à douze ou quinze demain. En revanche, la nécessité de choisir un statut plutôt qu’un autre ne me paraît pas idéale, en particulier pour les commissaires-priseurs de province qui ont les deux types d’activité. Il faudrait pouvoir maintenir les deux statuts en fonction des opportunités, faute de quoi on risque d’étrangler littéralement la moitié des commissaires-priseurs. Une même personne peut porter les deux casquettes, cela ne me choque pas.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Réactions : entre scepticisme et semi-satisfaction

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