Profession

Professeur d’histoire des arts

Le débat a été relancé à la mi-septembre par Pierre Rosenberg, inusable prosélyte de la cause de l’histoire de l’art.

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 28 octobre 2009 - 824 mots

Si tous les enseignants doivent porter l’histoire des arts à l’école, des professeurs spécialisés dispensent depuis une quinzaine d’années des cours optionnels… Comprenne qui pourra

Lors d’un colloque consacré à l’enseignement de l’histoire des arts à l’école organisé à la Sorbonne par le ministère de l’Éducation nationale, le président-directeur honoraire du Musée du Louvre a de nouveau mis les pieds dans le plat, prononçant une allocution remarquée. « Je sais bien et je le regrette, que l’on ne créera pas de si tôt une agrégation d’histoire de l’art (fortunés plasticiens !) ni même un Capes [certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré] à part entière, a ainsi déploré Pierre Rosenberg. Ce que nous souhaitons […] est tout simple : que ceux qui bientôt, qui ont maintenant la charge d’enseigner l’histoire de l’art, acceptent que des historiens de l’art professionnels, leurs collègues enseignants, leur apportent ce complément de savoir qui souvent leur manque. » Alors que l’histoire des arts a fait son entrée obligatoire au primaire en 2008, puis au collège et au lycée depuis la rentrée 2009, l’ancien conservateur de musée regrette explicitement que cet enseignement n’ait pas été confié aux historiens de l’art. Cette revendication logique de la corporation des historiens de l’art est pourtant de nature à nourrir une certaine frustration chez les enseignants investis depuis près de quinze ans dans le développement de l’histoire des arts au sein du cursus scolaire. « Il faut venir sur le terrain pour se rendre compte du travail accompli car nous partons de très loin ! », plaide Véronique de Montchalin, formatrice et professeur d’histoire des arts dans l’académie d’Orléans-Tours. « Notre objectif n’est pas de former des futurs professionnels mais des amateurs éclairés », poursuit cette dernière, qui a été parmi les premiers enseignants investis dans la création de l’option « histoire des arts » au lycée, à partir de 1993. L’idée était alors d’ouvrir une option en histoire des arts par département. Aujourd’hui, ce sont plus de 4 000 élèves qui sont inscrits dans cette discipline. Une goutte d’eau, jugeront certains. Un réel progrès, penseront d’autres. L’enseignement, fondé sur la pluridisciplinarité, traite donc de tous les arts – arts visuels, urbanisme, musique, danse, théâtre… –, privilégiant le contact direct avec les œuvres, notamment par le biais de sorties culturelles. Cela pour « un bilan globalement très positif, soutient Véronique de Montchalin, surtout dans des milieux socioculturels peu favorisés. Le bénéfice porte non seulement sur l’ouverture culturelle mais aussi sur les méthodes, poursuit l’enseignante. Lors des épreuves du bac, les élèves doivent présenter un dossier et argumenter. Il s’agit d’une excellente préparation aux études supérieures. »

Recrutés « sur des qualités reconnues »
Pour assurer l’enseignement de cette matière, des équipes pédagogiques ont donc été constituées à partir des personnels enseignants volontaires, recrutés « sur des qualités reconnues ». Avec pour principe une équipe pluridisciplinaire privilégiant les regards croisés. Dans les faits, la plupart des enseignants viennent des humanités : histoire-géographie, lettres, arts plastiques ou éducation musicale. Au départ, peu de professeurs s’étaient déclarés intéressés pour partager le temps d’enseignement de leur discipline de formation avec cette nouvelle inconnue. L’administration a donc créé un certificat complémentaire en histoire de l’art : il consiste en réalité à faire adouber les enseignants par un jury spécialisé. Les demandes de certification ont depuis connu une nette inflation. « Les enseignants manifestent à la fois intérêt et inquiétude, par peur de ne pas être assez formés », explique Véronique de Montchalin, elle-même professeure d’histoire-géographie passée par les services éducatifs des musées. Pour les enseignants, le travail à fournir a parfois été considérable. Confrontés à des sujets mal connus, ils ont dû se documenter ou suivre des stages organisés par leur académie, apprendre pour restituer et transmettre.
C’est sur ce substrat, mis en place depuis une quinzaine d’années, qu’est donc venue se greffer la nouvelle obligation d’enseignement d’histoire des arts, lancée bruyamment sur injonction présidentielle pour tenter de remédier à la fracture culturelle. Après maints cafouillages, le Bulletin Officiel de l’Éducation nationale du 28 août 2008 a défini ainsi ses objectifs : « L’enseignement de l’histoire des arts est un enseignement de culture artistique partagée. Il concerne tous les élèves. Il est porté par tous les enseignants. Il convoque tous les arts. » Et de poursuivre en expliquant que cet enseignement, pris sur les heures de cours traditionnelles, « est l’occasion, pour tous, de goûter le plaisir et le bonheur que procure la rencontre avec l’art ». De quoi susciter la polémique : tous les enseignants, formés ou non, doivent donc se mobiliser pour distiller un peu de culture çà et là, même si l’idée de compléter les masters professeur des écoles par un enseignement en histoire des arts a tout de même été évoquée… Brouillant par là même les frontières du travail mené depuis quinze ans dans le cadre des options d’histoire des arts, pilotées par des enseignants pionniers dans la création empirique d’une nouvelle discipline.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Professeur d’histoire des arts

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