Brainstorming

Une démocratisation casse-tête

Thème cher au ministre, la « culture pour chacun » a donné lieu à une étrange assemblée parisienne.

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 15 février 2011 - 462 mots

PARIS - Il fallait au moins un « forum parisien », annoncé comme l’apothéose après la tenue de 25 forums régionaux animés depuis septembre 2010, pour expliciter le contenu du programme ministériel.

Il n’est pas sûr pourtant que les participants en soient repartis avec une vision plus claire. La grand-messe organisée le 4 février à la Villette, à Paris, par le ministère de la Culture sur le thème brumeux « Culture pour tous, culture pour chacun, culture partagée » n’a pas tenu ses promesses. Mais qui y croyait vraiment ? Dès son arrivée Rue de Valois, Frédéric Mitterrand avait souhaité faire de la démocratisation culturelle l’un de ses credos en lançant, dans une veine malrucienne, la formule « culture pour chacun ». La transformation en programme d’action de cette ambition louable s’est révélée plus ardue que prévue et le forum parisien, organisé à la va-vite, n’a fait que le confirmer. Dès son ouverture, les choses ont été mal engagées. À l’appel de plusieurs organisations syndicales du spectacle vivant mais aussi des arts plastiques, une centaine de manifestants a bloqué pendant près de deux heures les accès à la grande halle de la Villette, où se tenait l’événement, reprochant le « populisme » de la démarche alors qu’un document émanant du ministère, dévoilé en septembre, stigmatisait ouvertement l’élitisme des productions culturelles comme frein à la démocratisation. Frédéric Mitterrand aura finalement réussi à lancer la journée devant un maigre auditoire d’invités, tous arrivés sur place avant le début du blocage, réfutant dans son discours la « désespérance culturelle » ou « l’épuisement de notre création face à une culture globale du mainstream pour tous ». Les portes n’auront été ouvertes au public qu’en fin de matinée.

Proche de l’oraison funèbre
Une fois les esprits apaisés, le forum pouvait être lancé, enchaînant déjeuner festif puis tables rondes digestives devant un auditoire aux rangs grossis par les fonctionnaires du ministère de la Culture. Mais c’est un ministre à l’air sombre qui a clos la journée, assénant son discours comme on prononce une mauvaise messe. Admettant le caractère brouillon de son allocution, il a martelé sa conviction – sûrement sincère – sur le sujet, oubliant les « éléments de langage » qui lui avaient été préparés et prenant soin d’éviter de définir la notion désormais controversée de « culture pour chacun ». Des maigres annonces prévues, qui devaient insister sur le rôle de vecteur des médias pour assurer la démocratisation culturelle, il n’est rien resté si ce n’est l’idée de multiplier les captations de spectacles ou d’offrir un livre aux jeunes mariés. « Pourquoi pas Les Misérables ? », s’est interrogé le ministre. Au final, le ton relevait plus de l’oraison funèbre d’un programme dont Frédéric Mitterrand voulait pourtant faire le symbole de son passage Rue de Valois.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°341 du 18 février 2011, avec le titre suivant : Une démocratisation casse-tête

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