Un tableau de Gérôme détourné par une campagne xénophobe allemande

Deux semaines avant les élections européennes, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti d’extrême-droite allemand, a utilisé une toile de Jean-Léon Gérôme (1824-1904) dans une campagne xénophobe.

Le Marché d’esclaves (1866) représente des marchands orientaux inspectant les dents d’une esclave nue au teint pâle. Sur les affiches, l’AfD a inscrit : « Pour que l’Europe ne devienne pas l’Eurabia ». Malgré l’indignation qu’a suscitée ce détournement, aucune affiche n’a été retirée.

« Nous condamnons fermement l’instrumentalisation du tableau pour répandre les idées politiques de l’AfD et leur avons écrit pour que cela cesse » s’est indigné Olivier Meslay, directeur du Clark Art Institute qui possède l’œuvre. 

Néanmoins, il a reconnu qu’il n’existait pas de « droit d’auteur ou de permission qui permettrait d’exercer de contrôle sur l’utilisation de l’œuvre ». 

Ronald Gläser, porte-parole du parti à Berlin, a qualifié de son côté la réclamation du musée de « futile tentative de bâillonnement », tout en soulignant que « le peuple allemand [avait] le droit de connaître la vérité sur les conséquences de l’immigration illégale de masse ».

Plus précisément, la menace que pointe l’AfD du doigt dans ses affiches est celle de l’« Eurabia ». Ce néologisme désigne une théorie complotiste introduite par l’essayiste anglo-égyptienne Bat Ye’or. Selon sa thèse, plusieurs puissances européennes – avec la France en reine investigatrice – auraient adopté une politique pro-islam qui entraînerait le déclin du vieux continent.

Ce n’est pas la première fois que l’AfD fait de la culture un champ de bataille idéologique. Il y a quelques mois, le parti avait exercé des pressions pour que soit retiré de Cassel un obélisque prônant la tolérance à l’égard des immigrés.