Economie

Institut de France : amateurisme

Un rapport de la Cour des comptes souligne le manque de professionnalisme de l’Institut

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 5 mai 2015 - 554 mots

PARIS

La Cour des Comptes n’est pas tendre avec l’Institut et ses Académies. Dans un nouveau rapport, elle repère quelques améliorations mais pointe surtout l’amateurisme de sa gestion.

PARIS - Si la loi de programme pour la recherche de 2006 a accordé une large autonomie à l’Institut de France et ses cinq Académies, qui ne relèvent plus, depuis, d’une tutelle ministérielle, elle a cependant mis en place un garde-fou : le contrôle de la Cour des comptes. Or celle-ci connaît bien l’institution pour lui avoir fait passer un audit à plusieurs reprises dans le passé. Le rapport thématique qu’elle vient de publier sur la période 2005-2013 relève plusieurs améliorations mais aussi de nombreux dysfonctionnements, qui, comme souvent dans les bilans de la Cour, sont davantage soulignés que les progrès. Un thème constant traverse le rapport : le manque de professionnalisme.

L’enjeu n’est pas négligeable. Les six structures, car il s’agit bien de six structures, plus ou moins indépendantes, l’Institut et les cinq Académies, jouissent d’un patrimoine considérable évalué à près d’1,5 milliard d’euros, dont un portefeuille financier d’1,1 milliard d’euros et un parc immobilier locatif de 340 millions d’euros. Grâce à ces actifs, elles disposent d’un budget d’environ 106 millions d’euros et d’un effectif de 366 personnes. Aussi, les magistrats se demandent pourquoi l’État continue à apporter une dotation d’environ 11 millions d’euros, sans, en retour, un engagement en faveur d’objectifs, alors que l’Institut bénéficie de revenus privés si importants. Ils s’agacent aussi de ne pas connaître précisément les déductions fiscales dont bénéficient les donateurs des 1 100 fondations abritées par l’Institut.

Appréciation des risques
Selon la Cour, le manque de professionnalisme caractérise toutes les activités de l’Institut. À commencer par l’appréciation des risques (travaux, litiges avec héritiers ou tiers) attachés aux legs qui ont fait la fortune mais aussi les infortunes de l’Institut. Ainsi en est-il de l’acceptation du legs de la maison-atelier de Jean Lurçat avec obligation d’ouvrir un musée, ce qui est pratiquement et financièrement impossible.

La Cour recommande la mise en place d’un outil commun aux six structures pour l’analyse des risques. Elle se montre plus positive sur la gestion budgétaire, moins calamiteuse que dans le passé lorsque l’Institut dépensait sans compter puis, en fin d’année, ponctionnait ses réserves ou les fonds affectés à d’autres missions. De même, il semblerait que la gestion du portefeuille financier soit moins hasardeuse. Après la crise de 2008, l’Institut avait dû déprécier ses actifs à hauteur de 41 millions d’euros.

Les magistrats sont cependant toujours critiques sur la gestion du parc immobilier : quasi-monopole de la principale société de gestion, loyers inférieurs au prix du marché, 2 400 mètres carrés de surfaces vacantes, attribution favorisant des proches de l’Institut. Ils s’irritent surtout de l’hétérogénéité des pratiques entre l’Institut et les Académies et de l’absence générale de synergie. C’est notamment le cas pour les fondations-musées. Aucun service n’est mutualisé pour une exploitation coordonnée des sites. Ainsi le Musée Jacquemart-André (géré par Culturespaces) et le Musée Marmottan-Monet (gestion directe) ne coordonnent pas leur programmation. Les magistrats continuent malicieusement à demander que les musées de l’Institut adoptent le label « Musée de France », ce qui les obligerait à respecter la charte. L’Institut s’y refuse. On aurait aimé connaître la position du ministère de la Culture sur ce point, mais ce dernier n’a pas répondu à la Cour.

Légendes photos

L'Institut de France, vue du Pont des Arts © Photo Benh LIEU SONG - 2007 - Licence CC BY-SA 3.0

Entrée de la cour des comptes à Paris, Rue Cambon © Photo TouN - 2005 - Licence CC BY-SA 3.0

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°435 du 8 mai 2015, avec le titre suivant : Un rapport de la Cour des comptes souligne le manque de professionnalisme de l’Institut

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