Droit

CONTRÔLE DOUANIER

Un projet de règlement européen à l’importation inquiète le marché

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2017 - 484 mots

Au nom de la lutte contre le financement du terrorisme, l’UE prévoit de se doter d’un règlement imposant l’obtention d’un certificat d’importation ou d’une déclaration pour les biens culturels de plus de 250 ans y entrant.

Bruxelles. Présenté en juillet 2017 par la Commission européenne, le projet de règlement européen visant à lutter contre le financement du terrorisme en instaurant des contrôles douaniers à l’entrée pour tout bien culturel de plus de 250 ans va être étudié dans quelques jours par le Parlement européen. Son entrée en vigueur, programmée au 1er janvier 2019, suscite de nombreuses réserves de la part des acteurs du marché de l’art.

Alors qu’un contrôle à l’exportation renforcé de la part des pays tiers serait sans aucun doute plus efficace, le choix porte ici sur une preuve renforcée des diligences menées par tout acheteur important un bien culturel provenant d’un pays tiers à l’Union européenne (UE). La Commission a fait le choix de s’appuyer sur une définition commune des biens culturels à l’importation, fondée sur la convention Unidroit de 1995, convention sur les biens culturels volés ou illicitement exportés que la France n’a jamais ratifiée. Un seuil d’ancienneté minimal de 250 ans est ainsi retenu pour la définition du champ d’application des mesures envisagées qui s’articulent autour d’un double système.
 

Une réponse sous trois mois

Le système d’autorisation, concernant certains biens dont les manuscrits rares, impose la présentation d’un certificat d’importation aux autorités douanières. Les pièces justificatives et informations nécessaires à la délivrance dépendront de la situation du pays source, selon que ce dernier a ou non ratifié la Convention de l’Unesco de 1970. Mais le délai maximal de trois mois prévu pour délivrer le certificat apparaît déjà bien trop resserré pour permettre à l’administration de vérifier la provenance effective du bien concerné. Pour les autres biens culturels, une simple déclaration signée par le détenteur du bien suffira. Celle-ci imposera d’attester que l’exportation du bien depuis le pays source a été réalisée conformément à la législation et à la réglementation de ce dernier. Accompagnée d’un document standardisé décrivant les biens de manière suffisamment détaillée pour permettre leur identification par les autorités douanières, la déclaration devra également être présentée aux autorités douanières. Ces dernières pourront toujours réaliser un examen physique du bien, que celui-ci soit soumis à autorisation ou déclaration, et procéder à une expertise.

Un véritable « forum shopping » pourrait alors se développer afin de choisir des pays d’entrée où les moyens humains affectés seront moins importants et pour lesquels les experts en arts extra-européens seraient moins nombreux dans l’administration. Tel ou tel marchand pourrait aller porter sa demande ailleurs qu’en France pour se voir délivrer une autorisation de circulation du bien sur l’ensemble de l’espace européen. Le même contrôle à l’entrée de l’Union européenne est ainsi bien illusoire. Cette mesure risque également d’accélérer le déplacement du marché au profit de la Chine, des États-Unis ou du Royaume-Uni post-Brexit.

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Un projet de règlement européen à l’importation inquiète le marché

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