Justice

Un artiste poursuit l’horloger Omega

L’artiste Max Grüter accuse de plagiat le fabriquant de montres de luxe suisse. L’objet de la discorde : un petit astronaute.

Modélisation 3D de l'astronaute d'Apollo de Max Grüter et Le Golden Astronaut utilisé par la marque Omega pour une campagne publicitaire durant l'été 2019.
Modélisation 3D de l'astronaute d'Apollo de Max Grüter et le Golden Astronaut utilisé par la marque Omega pour une campagne publicitaire durant l'été 2019.
© Max Grüter © Omega

Suisse. À l’été 2019, le monde entier commémore les premiers pas de l’homme sur la Lune et la célèbre marque horlogère suisse, Omega, lance à cette occasion une nouvelle collection. Figure centrale de cette campagne publicitaire, un astronaute doré, un clin d’œil ludique à l’Américain Neil Amstrong. Mais cet artifice n’est pas du goût de l’artiste zurichois Max Grüter, né en 1955. Ce dernier reconnaît aussitôt en celle-ci sa propre sculpture d’astronaute de la fusée Apollo, à deux détails près : d’entièrement blanche, elle est devenue dorée et les dimensions du sac à dos ont été réduites. Six ans plus tôt, cette figure tridimensionnelle était proposée par l’artiste en téléchargement gratuit sur une plateforme Internet. En février, il se confie au quotidien zurichois Tages-Anzeiger : « L’Internet est un moyen de transmission fabuleux pour l’art. Par la diffusion de mon astronaute, il est devenu une sorte d’œuvre d’art en soi qui rend son caractère unique ad absurdum. »

Depuis la fin des années 1990, l’artiste travaille en effet principalement avec des outils numériques et le monde de l’espace constitue sa première source d’inspiration. Dans le cadre de ses réflexions autour du partage des rôles entre artiste et « consommateur d’art », Grüter met à disposition depuis 2007 ses données – qui constituent les bases de son œuvre sculptée – sur un site Internet, un « art open source », selon ses termes. Max Grüter pose cependant des conditions-cadres à cette mise à disposition gratuite de son art : dans sa licence de « biens créatifs », est explicitement notifié le fait que l’artiste doit être mentionné en cas de copie de ses œuvres et une utilisation à des fins commerciales de ces données est exclue.

Pas d’accord amiable

L’accusation de plagiat est portée en octobre dernier devant le tribunal de commerce de Zurich, la firme ayant refusé tout accord à l’amiable avec l’artiste. Un comportement d’autant plus incompréhensible, aux dires de son avocat spécialisé en droit de l’art, Maître Andreas Ritter, qu’Omega fait partie du groupe Swatch, une marque connue elle-même pour son approche très tatillonne en matière de copie et de plagiat, et qui fait de sa collaboration avec les artistes et du soutien à leur création un de ses étendards.

Une indemnité pour utilisation illégale de sa création est demandée à la marque d’horlogerie. Mise en rapport avec l’utilisation à l’échelle mondiale de cette figure pour des fins publicitaires, cette compensation pourrait s’élever à plusieurs millions d’euros. Omega, de son côté, plaide pour une utilisation à des fins purement décoratives et non commerciales de la sculpture – argument irrecevable du côté de Grüter. Si le montant de l’indemnité ne semble pas être la préoccupation principale du sculpteur, c’est surtout d’une affaire de reconnaissance dont il s’agit : « Toute mon activité artistique a tourné ces dernières années autour de cette figure de l’astronaute, il a pour moi une grande valeur émotionnelle. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°542 du 27 mars 2020, avec le titre suivant : Un artiste poursuit l’horloger Omega

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