Restitution sans réclamation

13 MNR de plus ont retrouvé leur propriétaire

Le Journal des Arts

Le 7 janvier 2000 - 528 mots

C’est en l’absence de toute revendication que les Musées de France ont restitué aux ayants droit de célèbres galeristes parisiens de l’entre-deux-guerres des œuvres récupérées en Allemagne en 1945. Les recherches effectuées dans ce cadre ont permis de mettre en évidence les difficultés inhérentes à ce type d’investigation.

PARIS - Si les différents ministères concernés par les restitutions d’œuvres d’art récupérées à l’issue de la Seconde Guerre mondiale se sont souvent vus reprocher leur inertie, force est de reconnaître que les recherches entreprises par les Musées de France portent leurs fruits : treize œuvres supplémentaires, parmi celles qui leur avaient été confiées par la Commission de récupération artistique en 1949, ont été ou seront rendues à leurs propriétaires légitimes, en l’absence de toute revendication de leur part. Elles avaient été volées par l’occupant nazi dans quatre galeries parisiennes : trois d’entre elles appartenaient à la famille Seligmann, la quatrième à Jacques Bacri.
Six cent quatre-vingt-quinze objets, sur plus d’un millier, avaient été rendus à la famille Seligmann entre 1945 et 1951, mais l’imprécision de certaines demandes – et surtout la disparition de Jean-Arnold, fusillé au Mont-Valérien en 1941, et d’André, décédé en 1945 – n’avait pas permis d’identifier des œuvres revenues sous des attributions erronées. Ainsi l’Arrestation du Christ, de l’école de Barend van Orley, était devenue Le Baiser de Judas, de Cornelis Engebrechtsz, lors de son retour en France après 1951 et les grandes vagues de restitution. Le cas de la Vierge à l’Enfant par le Maître de l’Annonciation de Hartford, volée chez Jacques Bacri, est également exemplaire : conservée dans la collection de Goering sous une attribution à un “imitateur de Rogier van der Weyden”, elle avait été réclamée comme un tableau de Simon Marmion. Trois cent onze objets avaient été rendus à cette galerie qui, comme les Seligmann, avait reçu une indemnisation de l’Allemagne pour les œuvres non retrouvées.

Par ailleurs, deux tapisseries bruxelloises du XVIIe siècle étaient en dépôt à la galerie Jacques Seligmann au moment de leur saisie par les nazis ; l’imprécision des archives n’a pas permis d’en retrouver le propriétaire. Aujourd’hui, les ayants droit de la famille Seligmann récupèrent, outre l’Arrestation du Christ, deux vitraux du début XVIe représentant saint Pierre et saint Jean-Baptiste, Saint François d’Assise et saint Michel de Luca di Tomme, deux tapisseries bruxelloises à feuillage stylisé de la fin du XVe siècle, Le Calvaire par le Maître de la Mort de saint Nicolas de Munster, ainsi qu’une petite table à écrire marquetée Louis XVI. Aux ayants droit de Jacques Bacri ont été restitués une Vierge à l’Enfant par le Maître de l’Annonciation de Hartford et trois textiles.

Les recherches effectuées sur les objets récupérés ont apporté d’intéressantes informations sur la politique de pillage nazie. Dans les deux cas, les spoliations s’étaient faites en deux temps : dès juillet 1940, quinze jours après l’entrée des troupes allemandes à Paris, des agents nazis agissant notamment pour le compte de Hermann Goering, hors de tout cadre légal, s’étaient rendus directement dans les galeries pour s’y approprier des œuvres. Plus tard, l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), responsable de la plupart des spoliations en France, avait pris le relais, en institutionnalisant ce pillage.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°96 du 7 janvier 2000, avec le titre suivant : Restitution sans réclamation

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