Justice

Quand l'amour de l'art mène un sous-préfet au tribunal

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 19 mars 2018 - 543 mots

CLERMONT-FERRAND

Voleur de tableau de maître ou amateur d'art négligent ? L'ancien sous-préfet de Brioude (Haute-Loire) Hugues Malecki sera jugé mardi devant le tribunal correctionnel du Puy-en-Velay pour le détournement d'une toile appartenant au mobilier national, qu'il avait échangée avec une copie.

Natalia Sergeevna Goncharova - Dahlias
Natalia Sergeevna Goncharova (1881-1962), Dahlias (c. 1940), huile sur toile, 66 x 42 cm
© Collection Mobilier National

Le procès de ce haut fonctionnaire, suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, avait été renvoyé en octobre dernier pour lui permettre de préparer sa défense. Il est soupçonné d'avoir subtilisé une huile sur toile signée de l'artiste russe naturalisée française Nathalie Gontcharoff (1881-1962) lorsqu'il était en poste en Haute-Loire entre 2006 et 2007. Considéré comme une "croûte" par son successeur, le tableau avait été déplacé des murs tapissés du salon de la petite sous-préfecture pour un recoin obscur où il serait resté si une institution culturelle nationale ne l'avait réclamé en 2014 pour une exposition.

Les services de l'État qui l'inspectent remarquent alors l'aspect bien trop neuf de l'oeuvre d'art, supposée dater des années 1940, et de son encadrement. Ils découvrent que ce même tableau, baptisé "Dahlias" et représentant un immense bouquet de fleurs débordant d'un vase, a été acheté à Londres lors d'une vente consacrée à la peinture russe par la maison d'enchères Sotheby's en mai 2012 pour 103.250 livres (près de 117.000 euros).

L'enquête confiée à l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) remonte jusqu'à Hugues Malecki. Selon une source proche de l'enquête, il avait vendu en 2012 la toile - dont aucun élément visuel n'attestait qu'elle puisse avoir été volée - pour "moins de 12.000 euros" - à un collectionneur sur Internet. Ce dernier l'avait ensuite cédée à son tour aux enchères, quelques mois plus tard.

Le haut fonctionnaire - dont les explications "ambigües" évoluent "entre le caractère volontaire et involontaire" de ce vol, selon son conseil, Me Bertrand Chautard - a assuré lors de sa garde à vue n'avoir rien prémédité. Ayant remarqué l'oeuvre parmi les biens de la sous-préfecture, ce féru de peinture et collectionneur d'art, maniant lui-même le pinceau, avait voulu la faire restaurer mais avait finalement opté pour une copie effectuée par un professionnel, opération moins onéreuse et légale si les dimensions diffèrent de l'original. Qu'il pensait avoir ensuite remisé dans les combles de la sous-préfecture.

Cinq ans après, il serait ensuite retombé sur le tableau dans son garde-meubles, après que celui-ci eût été empaqueté "par inadvertance" avec d'autres oeuvres par les déménageurs. Il s'en serait alors séparé dans la précipitation, sans réfléchir.

Préjudice
Marié et père de cinq enfants, officier vétérinaire dans l'armée avant d'intégrer la fonction publique d'État, Hugues Malecki menait jusque-là une carrière sans accroc et était, aux dires de ceux qui l'ont côtoyé à la préfectorale, "dans l'antichambre pour devenir préfet". Il venait de quitter son poste de secrétaire général de la mairie de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, pour prendre ses nouvelles fonctions de secrétaire général pour les Affaires régionales (Sgar) de la préfecture de Normandie lorsqu'il a été interpellé et mis en examen en février 2016. 

Placé en détention provisoire durant un mois et demi, puis sous contrôle judiciaire, il comparaîtra libre mardi à l'audience. Au tribunal se posera aussi la question du préjudice: l'État a évalué le tableau, désormais à l'étranger, à... 900.000 euros.

Cet article a été publié le 18 mars 2018 par l'AFP

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