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Peter Singer, philosophe : 1 million de dollars pour couronner sa carrière

Par Barthélemy Glama, correspondant à New York · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2021 - 514 mots

1946 C’est à Melbourne en Australie, où il est né de parents juifs viennois ayant fui l’Autriche à la veille de la guerre, que Peter Singer fourbit ses premières armes philosophiques et se forme à l’éthique. Un mémoire de master remarqué, ayant pour titre « Pourquoi devrais-je être moral ? », lui vaut d’obtenir une bourse d’études pour l’université d’Oxford en Angleterre. Là, au détour d’un plat de spaghetti bolognaise, un camarade l’éduque sur la violence du traitement réservé aux bovins dans les abattoirs ; il devient aussitôt végétarien.

1975 Déjà repéré dans les milieux philosophiques pour ses articles sur la famine au Bangladesh et l’obligation morale de redistribution pour ceux qui en ont les moyens, il consacre son deuxième ouvrage à la question du rapport de l’homme à l’animal. Succès retentissant qui le fera connaître du grand public, La Libération animale (éd. Payot) devient une référence pour le mouvement de défense du droit des animaux et son concept central, l’« antispécisme » ou refus d’une distinction entre espèces, un étendard encore brandi aujourd’hui.

1999 Sa nomination comme professeur titulaire de la chaire de Bioéthique de l’université de Princeton (Pennsylvanie) suscite l’ire de défenseurs des droits des personnes en situation de handicap, qui se rassemblent pendant plusieurs jours sur le campus. Diane Coleman, fondatrice de l’organisation Not Dead Yet, n’hésite pas à qualifier Peter Singer d’« homme le plus dangereux sur Terre ». Elle lui reproche notamment d’avoir écrit dans Questions d’éthique pratique (1979) que les parents devaient pouvoir mettre un terme à la vie de leurs nouveau-nés au cas où ceux-ci présenteraient un lourd handicap.

2009 L’idée d’« altruisme efficace », qu’il développe dans Sauver une vie : Agir maintenantpour éradiquer la pauvreté (éd. Michel Lafon), donne une nouvelle vigueur à la vieille tradition philosophique de l’utilitarisme. Il soutient que les habitants des pays riches ont le devoir de réduire les souffrances des personnes vivant dans la pauvreté absolue, en donnant à des organisations capables de transformer le plus grand nombre de vies. L’idée inspire de nombreux philanthropes, dont Warren Buffett et Bill Gates. Peter Singer déclare à cette occasion donner jusqu’à 40 % de ses revenus à diverses organisations, dont la sienne, The Life You Can Save, qu’il fonde cette même année.

2021 Peter Singer reçoit le prix Berggruen pour la philosophie et la culture. D’une valeur de 1 million de dollars (850 000 euros), celui-ci est remis chaque année par le Berggruen Institute, groupe de réflexion basé à Los Angeles, à une personnalité « dont les idées ont fait avancer la compréhension de l’homme par lui-même ». L’annonce a eu lieu à la Casa dei Tre Oci, à Venise, nouveau centre européen de l’Institut : « Peu de philosophes académiques ont eu l’impact de Peter Singer », remarque Kwame Anthony Appiah, lui-même professeur de philosophie et d’éthique à l’université de New York et président du jury. L’heureux récipiendaire a d’ores et déjà prévu de donner la moitié de sa récompense à The Life You Can Save et répartira le reste entre des organisations de défense des droits des animaux et des organismes choisis par le public au cours d’un vote sur son site Internet.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°573 du 17 septembre 2021, avec le titre suivant : Peter Singer, philosophe : 1 million de dollars pour couronner sa carrière

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