Disparition

Numa Hambursin, « Nous avons mis en place une cellule psychologique »

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 6 décembre 2023 - 710 mots

Le directeur du Mo.Co à Montpellier témoigne après la disparition brutale de Vincent Honoré, en charge des expositions.

Quelle a été votre première réaction en apprenant la disparition de Vincent Honoré, le directeur des expositions du Mo.Co, décédé le 29 novembre ?
Numa Hambursin : Cette horrible nouvelle nous a tous choqués, l’équipe et moi-même. Face à un tel drame, j’ai été submergé par de nombreuses émotions : la stupeur, l’incrédulité, la douleur, l’incompréhension, la tristesse. J’ai pensé à l’équipe et à sa détresse. Nous avons annulé les événements et fermé les deux centres d’art pendant deux jours. Nous avons mis en place une cellule psychologique dès le lendemain pour ses collaborateurs les plus proches, puis pour l’ensemble du personnel la semaine suivante. Un hommage sera organisé prochainement.

La presse parle d’un suicide, confirmez-vous l’information ? Une enquête de police a-t-elle été lancée ?
N.H.Les secours dépêchés à son domicile ont expliqué qu’il avait mis fin à ses jours. Pour l’instant, je n’ai aucune autre information officielle.

Quel a été le parcours de Vincent Honoré avant de rejoindre le Mo.Co ?
N.H. : Vincent Honoré avait commencé sa carrière dans l’art contemporain au Palais de Tokyo à Paris (2001-2004) avant de partir à Londres où il a travaillé à la Tate Modern, à la David Robert Art Foundation (DRAF) puis au centre d’art de la Hayward Gallery en tant que senior curator. Il menait en parallèle une activité de commissaire indépendant et il s’était notamment occupé de la 13e Baltic Triennal en 2017 et du pavillon du Kosovo à la 58e Biennale de Venise. Dernièrement, il avait organisé une exposition de Zoe Williams pour le Panorama de la Friche à Marseille. Il s’intéressait en particulier aux questions post-coloniales, de genre et d’identité, avec une attention toute particulière aux jeunes artistes. 

Quand est-il entré au Mo.Co et avec quelles responsabilités ? Son contrat de travail a-t-il été modifié à votre arrivée à la direction ?
N.H. : En 2019, à quelques mois de l’ouverture du Mo.Co, Vincent Honoré a été recruté par Nicolas Bourriaud [le prédécesseur de Numa Hambursin, ndlr] pour diriger le service « curatorial ». Au-delà d’une mission classique à la tête du service des expositions, il s’agissait aussi d’inventer le fonctionnement d’un modèle original. Sa fiche de poste n’a pas été modifiée depuis 2019. Quand je suis arrivé en 2021, j’ai reconduit son contrat avec une valorisation salariale. Je tenais absolument à ce qu’il reste. Vincent Honoré a été l’un des concepteurs de l’institution telle qu’elle existe aujourd’hui, liant l’école des beaux-arts et les deux centres d’art. Il était commissaire ou co-commissaire de nombreuses expositions, comme celle d’Ana Mendieta cet été ou « Musées en exil » l’année dernière.

Au-delà de sa mission, quelle a été sa contribution au Mo.Co ?
N.H. : Je suis heureux de pouvoir rendre hommage à Vincent Honoré dans vos pages. Il était un pilier du Mo.Co et un membre essentiel du comité de direction. Vincent Honoré était investi dans son métier dont il était fier. Il venait de signer la magnifique exposition de l’artiste américano-pakistanaise Huma Bhabha, saluée de tous. Il m’avait parlé avec enthousiasme du catalogue qu’il venait de superviser et nous étions en train de travailler ensemble sur les expositions du printemps. En octobre, il avait sélectionné un artiste important pour une grande exposition en 2025 et se réjouissait de débuter le travail.

Il semblerait que Vincent Honoré a cherché à quitter le Mo.Co, - sans succès - qu’en est-il ?
N.H.Vincent Honoré avait été finaliste pour le poste de directeur à la Collection Lambert à Avignon. Il m’en avait parlé en toute transparence. Je l’avais soutenu dans ce projet car il était naturel qu’il aspire à diriger une belle institution. C’était il y a quelques mois déjà et cela n’avait en rien affecté la qualité de son implication au Mo.Co. Il serait réducteur de retenir de lui d’hypothétiques candidatures malheureuses. Il était bien plus que cela. C’était un personnage brillant, complexe et ambitieux pour lui-même et notre institution. Il était attaché au rayonnement du Mo.Co au niveau territorial, national et international.
J’admirais son intelligence clairvoyante, sa science de l’accrochage et la qualité de ses entretiens écrits avec les artistes. Il a beaucoup appris à toute l’équipe. C’était un vrai professionnel, toujours présent et engagé. C’est cette image d’un intellectuel passionné que je souhaite conserver.
 

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