Il a transformé la photographie documentaire par son regard ironique et plein d’humour sur ses contemporains.

Après la disparition d’une star de l’architecture – Frank Gehry – c’est une autre star, dans la photographie, qui vient de s’éteindre le 6 décembre. Martin Parr est décédé à l’âge de 73 ans à son domicile de Bristol, des suites d’un cancer. Figure incontournable de la scène internationale, il aura durablement marqué le regard sur la société contemporaine, en faisant de l’ordinaire un puissant matériau visuel photographique.
Né en 1952 au Royaume Uni, Martin Parr se forme à la photographie au début des années 1970, avant de s’installer dans des communautés rurales du nord de l’Angleterre dont il documente le quotidien. Il s’affirme très tôt comme un observateur attentif de la société britannique, attaché aux pratiques populaires, aux loisirs de la classe ouvrière et à la culture de la classe moyenne qui se transforme à l’ère Thatcher.
Dans les années 1980, son travail se concentre sur les mutations sociales du pays, entre désindustrialisation, nouvelles formes de consommation et émergence d’un tourisme de masse. Installé à Bristol à la fin de cette décennie, il y construit une base de travail qui restera son port d’attache jusqu’à sa disparition.
L’œuvre de Martin Parr s’organise en grandes séries devenues des références pour les professionnels : des communautés rurales aux stations balnéaires populaires britanniques, jusqu’aux flux du tourisme globalisé. Des ensembles comme The Last Resort, The Cost of Living, Small World ou Common Sense ont redéfini la portée du documentaire social par l’usage de la couleur et une approche frontale du quotidien.
Ses images, immédiatement reconnaissables, se caractérisent par des couleurs volontairement saturées, des cadrages serrés et un usage assumé du flash, y compris en lumière du jour. Cette esthétique, souvent imitée, lui permet de révéler la trivialité des gestes ordinaires, les excès consuméristes et le kitsch des loisirs, sans jamais renoncer à une forme d’empathie et d’humour pour ses sujets.
Membre de Magnum Photos depuis 1994, Martin Parr en devient le président entre 2013 et 2017, contribuant à en orienter la ligne éditoriale et la politique de commandes. À ce titre, il joue un rôle déterminant dans la reconnaissance institutionnelle d’une photographie documentaire à la fois critique, ludique et ancrée dans le réel.
Son travail fait l’objet de dizaines de monographies et d’expositions dans le monde entier, consolidant son statut d’auteur autant que de photoreporter. En 2014, il crée la Martin Parr Foundation, à Bristol, structure dédiée à la conservation de ses archives et au soutien de la photographie documentaire britannique, devenue en quelques années un lieu de référence pour les curateurs, chercheurs et éditeurs.
Pour les professionnels de l’image, Martin Parr restera l’un des grands inventeurs d’un langage visuel en couleur, au croisement de la satire et de l’étude anthropologique. Son travail sur la classe sociale, les comportements de consommation et les loisirs de masse a fourni une grille de lecture précieuse à plusieurs générations de photographes, commissaires et critiques.
Au delà de son style, il a contribué à déplacer les frontières entre photographie d’auteur, commande éditoriale et production institutionnelle, assumant simultanément les rôles de photographe, éditeur, commissaire et collectionneur de livres. Cette polyvalence fait de lui une figure de référence pour les professionnels désireux d’articuler pratique artistique, circulation des images et réflexion sur les usages du médium.
Sa mort, annoncée par sa fondation et par Magnum Photos, intervient après plusieurs années de lutte contre la maladie, période durant laquelle il aura continué à photographier, exposer et transmettre, malgré la fatigue et les contraintes physiques. Il laisse derrière lui son épouse Susie, sa fille Ellen, ainsi qu’un vaste réseau de collaborateurs.
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Mort de Martin Parr, chroniqueur de la société britannique
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