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Michel Rouger : « Le Centenaire 14-18 favorise notre stratégie de développement »

Directeur du Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 13 janvier 2015 - 1170 mots

PARIS

Précédemment chef du projet du Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux (1), Michel Rouger, diplômé de muséologie et consultant en ingénierie culturelle et touristique, en a suivi depuis 2006 toutes les étapes de la conception à la réalisation. Il est le directeur du musée depuis son ouverture en 2011.

Michel Rouger. Photo : Y. Marques
Michel Rouger
© Photo : Y. Marques

Au terme de cette première année de commémorations du Centenaire de la Grande Guerre, avez-vous ressenti l’intérêt du public pour cet événement ?
Michel Rouger : Oui, très clairement, et cela dès novembre 2013, lorsque le président de la République annonce les commémorations. Il y a eu une offre pléthorique sur la problématique de la guerre de 1914-1918, que ce soit en documentaires télé, en publications… En 2013 sont sortis plus de 200 titres sur le sujet, le musée a prêté des objets à plus de 45 expositions en France et à l’étranger. La masse produite a fait que, par la force des choses, le public s’est intéressé à cette période.
Le plus marquant est le succès de la « grande collecte » [en 2013 et 2014, après une campagne lancée par les Archives et la BNF, plus de 100 000 documents ont été déposés dans les centres d’archives par des particuliers, NDR]. Cela a vraiment montré que les gens avaient envie de sortir les objets familiaux : c’est précisément le grand atout de ce Centenaire, se réintéresser à sa propre histoire familiale.

L’impact est là. Mais la conscience du risque de la saturation est là également, il faut réinventer pendant quatre ans !

Et pour le Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux lui-même, l’impact a-t-il été aussi important ?
Il y a eu un impact immédiat sur 2014. Nous avons passé la barre des 130 000 visiteurs, le grand public, en particulier familial,est venu. L’effet « Centenaire » favorise clairement notre stratégie de développement. Si nous parvenons à maintenir entre 95 000 et 100 000 visiteurs par an, nous aurons rempli nos objectifs. Pour l’instant, il nous faut travailler à faire venir le public étranger, qui représente 5 % de nos visiteurs. Des liens sont noués avec les ambassades, mais cela prend du temps. Dans les 95 % restants, 60 % sont des Franciliens dont 8 % des Parisiens. Nous communiquons pour identifier Meaux à la Première Guerre mondiale, ce que peu de gens savent ; en effet, le front est venu à 50 km de Paris en septembre 1914.

Et s’ajoute un problème d’identification géographique de la ville de Meaux, souvent il faut se raccrocher à Disneyland Paris pour la situer. L’opportunité du musée est là pour Jean-François Copé [le maire de la ville] et les élus du Pays de Meaux : valoriser un pan de l’histoire locale encore méconnu, identifier Meaux et son territoire par ce biais et renforcer leur attractivité.

Comment travaillez-vous avec les autres institutions de la Grande Guerre telles que l’Historial de Péronne ou le Mémorial de Verdun ? Avez-vous coordonné vos programmations ?
Nous nous connaissons bien, nous entretenons la collaboration la plus classique, celle des emprunts pour les expositions. Verdun est en train de revoir sa scénographie, ils sont venus voir ce que nous avions fait. Nous sommes complémentaires : certains adorent la scénographie de Péronne et détestent la nôtre, et inversement. Nous sommes la porte d’entrée généraliste sur ce conflit. C’est bien que nous n’ayons pas fait les mêmes choix : on est dans une histoire de la scénographie de la Grande Guerre, le Mémorial a été construit dans les années 1960, l’Historial dans les années 1990, le musée de Meaux dans les années 2010. Si, dans quinze ans, nous ne nous remettons pas en cause, notre muséographie sera peut-être vieillotte et « has been » ! Avec notre arrivée juste avant le Centenaire, nous avons bousculé un peu tout le monde. L’Historial a inversé son sens de parcours, le Mémorial revoit sa scénographie… À Meaux, nous avons pris exemple sur la vision anglo-saxonne du musée d’histoire, à l’image de ce qui se fait à l’Imperial War Museum de Londres, notre grand frère étant, quant à la place accordée à l’objet, au son, à l’archive, le Mémorial de Caen.

Pour la programmation, il va y avoir un petit télescopage sur le thème du son. Après l’exposition « Entendre la guerre » à l’Historial, nous aborderons « Mon violon m’a sauvé la vie. Destins de musiciens dans la Grande Guerre », une sorte de zoom sur la musique classique.

Vous lancez en 2015 une visite entièrement virtuelle pour les scolaires. Pensez-vous qu’un musée pourra, à terme, être visité uniquement en ligne ?
Clairement non. Le site Internet et les outils numériques doivent donner envie de venir et la confrontation réelle à l’objet, comme dans un musée de beaux-arts, est irremplaçable. Archives, uniformes, équipements et objets créent un choc. La « Web visite » répond à une politique d’ouverture à tous les publics. Un public éloigné, en distance ou en moyens, peut bénéficier de la « Web visite ». Aujourd’hui, ces visites, destinées à des scolaires, sont comme une porte d’entrée à la visite réelle qui reste l’objectif. À terme, pourquoi ne pas aller dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les prisons par l’intermédiaire de cet outil virtuel ?

La baisse des dotations de l’État aux collectivités locales va-t-elle avoir un impact sur votre financement ?
Oui, par répercussion. Nous sommes un service de l’agglomération en régie directe, nous gérons un budget de fonctionnement portant uniquement sur l’animation de l’équipement, sans la masse salariale et les dépenses en fluides [électricité, eau, communication…, NDR]. Notre budget tourne autour de 800 000 euros, l’équivalent de nos recettes commerciales. Schématiquement, cela permet d’expliquer aux élus les frais engagés sur la programmation. Il y a une réalité sur les baisses des subventions de l’État : il va falloir que nous revoyions notre propre budget à la baisse. Cela ne nous pénalise pas, la programmation culturelle est faite, mais il faudra réajuster certaines dépenses, par exemple sur les publications. Je conçois que tout le monde doive faire un effort, y compris le musée, mais je ne suis pas inquiet. Le président de l’agglomération, Jean-François Copé, a conscience des atouts et de la qualité du musée, d’envergure nationale et internationale, et dont il est à l’origine.

Vous n’êtes pas conservateur. Venant de l’ingénierie culturelle et de la muséologie, en quoi votre parcours vous sert-il à gérer le musée ?
Cela m’aide car je suis assez conscient d’une réalité économique, de la place de l’équipement culturel au sein du budget de la collectivité. J’ai une vision globale des connexions avec le territoire. On m’a reproché de ne pas être conservateur, cela ne me pose pas de problème : je démontre depuis trois ans les capacités du musée à vivre. Pour le côté scientifique, en fonction de nos projets et de nos expositions en lien avec les services de la conservation et des publics, nous créons des conseils scientifiques composés d’historiens et d’experts.

Note

(1) Le musée, actuellement, en fermeture hivernale, rouvre le 24 janvier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°427 du 16 janvier 2015, avec le titre suivant : Michel Rouger : « Le Centenaire 14-18 favorise notre stratégie de développement »

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