Marie-Thérèse Boisseau : La culture enfin pour tous

Entretien avec Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d’État aux personnes handicapées

Le Journal des Arts

Le 30 mai 2003 - 808 mots

Le préambule de la Constitution de 1946 (auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958) dispose que « la Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture ». Pourtant, force est de constater que de nombreux lieux culturels sont encore inaccessibles aux personnes handicapées. Entendant favoriser l’intégration des handicapés à la culture et à l’audiovisuel, le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, et le secrétaire d’État aux personnes handicapées, Marie-Thérèse Boisseau, ont présenté, le 5 mai, six mesures allant dans ce sens. Marie-Thérèse Boisseau nous présente cette série d’actions, qui s’inscrit dans le cadre de l’année européenne des personnes handicapées.

Avec le ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, vous avez récemment proposé des mesures en faveur de l’accès des personnes handicapées à la culture. Quelles sont-elles ?
Dans le domaine de l’audiovisuel, un plan pour le sous-titrage des programmes télévisés va être engagé pour les personnes sourdes et malentendantes afin que, d’ici 2006, 50 % des programmes soient sous-titrés. Des actions de sensibilisation des architectes aux questions d’accessibilité des locaux aux personnes handicapées, en particulier à travers le réseau des écoles d’architecture dont le ministère de la Culture exerce la tutelle, seront mises en œuvre, et une formation spécifique sera intégrée dans l’apprentissage des architectes à partir de la rentrée 2004. Autre priorité, améliorer l’accès des handicapés au cinéma, et leur accueil dans les musées, lieux d’exposition, bibliothèques, théâtres...
Jean-Jacques Aillagon a confié à Jacques Charpillon, inspecteur général des affaires culturelles, une mission d’évaluation et de préconisations sur l’accueil de ces personnes handicapées dans les établissements relevant du ministère de la Culture. La mission s’intéressera en particulier à l’accessibilité physique des locaux, à l’adaptation des expositions, à la qualité de l’information et de l’accueil. Une évaluation précise de plus d’une dizaine d’établissements à Paris et en province sera effectuée, et pourra être reconduite d’année en année pour mesurer les progrès réalisés. Enfin, il faut souligner la création des premières rencontres “Art, culture, handicap”, qui auront lieu à Bourges du 19 au 21 octobre 2003 (1).

La France compte quelque 2 500 musées et monuments historiques ouverts au public. Combien sont aujourd’hui accessibles aux handicapés ?
Nous ne disposons pas de données chiffrées, mais ce qui est sûr, c’est que leur nombre est trop limité. Quelques initiatives remarquables sont cependant à signaler, comme la Cité des sciences et de l’industrie, qui a joué un rôle pionnier dans l’attention portée à l’accueil des personnes handicapées. Cet établissement est accessible aux fauteuils roulants et propose des animations et dispositifs spécifiques pour les publics malvoyants (explications en braille), sourds (sous-titrage des vidéos, visites en langue des signes) ou personnes handicapées mentales. Dès 1986, un service spécial a été mis en place, qui comprend aujourd’hui six personnes (dont une personne aveugle et deux personnes sourdes). Elles sont chargées de veiller à l’accessibilité des expositions et des services de la Cité des sciences.
Autre réalisation phare, le futur Musée du quai Branly, en cours de construction à Paris. Dès la naissance du projet de cette institution consacrée aux arts des civilisations non occidentales, en 1995, la nécessité de l’accessibilité aux personnes handicapées a été mise en avant. Cet objectif a même été inscrit dans le programme du concours international d’architecture, remporté par Jean Nouvel. L’offre scientifique et culturelle du musée est également conçue dans un souci d’accessibilité : le but est d’imaginer, pour le public handicapé sensoriel et mental, mais également pour les publics à mobilité réduite ou particulière (personnes âgées et enfants, par exemple), une offre qui bénéficie à tous.
Jean-Jacques Aillagon a d’ailleurs demandé à ces deux établissements de conduire, avec d’autres musées (le Louvre, le Muséum national d’histoire naturelle, le Centre Georges-Pompidou, la Cité de la musique, etc.), des projets et expérimentations pour améliorer l’accès à la culture des personnes handicapées.

Comment améliorer l’accueil et l’accès des publics handicapés dans les monuments historiques ?
L’accès au patrimoine ancien ne se fera pas du jour au lendemain. Mais je crois que, dans ce domaine, la détermination est très importante, de même que la volonté de convaincre les architectes des Bâtiments de France. Plusieurs réalisations montrent par ailleurs que des aménagements peuvent être entrepris sans que les monuments soient défigurés. On peut citer le château d’Angers, dont la salle des tapisseries de l’Apocalypse est accessible à tous, le château de Chambord, qui présente un accès repensé à son rez-de-chaussée et offre aux visiteurs une maquette du monument pour les malvoyants, ou la basilique de Saint-Denis, accessible aux fauteuils roulants. Dans la prochaine loi que je prépare, et qui sera présentée à l’automne en Conseil des ministres, seront développés des aspects de l’accessibilité à la culture comme l’accès aux lieux culturels ou encore l’accès à la pratique de la culture.

(1) Rens. 01 40 03 94 70
Pour en savoir plus :
www.culture-handicap.org
www.culture.fr 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°172 du 30 mai 2003, avec le titre suivant : Marie-Thérèse Boisseau : La culture enfin pour tous

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