Nomination

Retour sur une nomination

Louvre : les coulisses d’une nomination

Après la promotion de Jean-Luc Martinez à la tête du Louvre, demeure un sentiment d’inabouti sur la volonté de transparence de la procédure

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2013 - 831 mots

C’est finalement Jean-Luc Martinez, jusqu’alors directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée, qui succède à Henri Loyrette à la présidence du Louvre. Cette nomination attendue est le fruit d’une procédure qui reste opaque. L’Élysée a rappelé son intérêt pour le dossier.

PARIS - Depuis le 10 avril, Jean-Luc Martinez – ancien directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Louvre — est le nouveau président-directeur de l’établissemnt public du musée. Après Michel Laclotte et Pierre Rosenberg, c’est donc à nouveau un homme du sérail qui prend la tête de l’institution. Tel a été le choix exprimé une semaine auparavant par le président de la République pour succéder à Henri Loyrette. Cette nomination a mis fin aux spéculations du microcosme médiatique et culturel pronostiquant tour à tour Sylvie Ramond, directrice du Musée des beaux-arts de Lyon (préférée avec Jean-Luc Martinez par la ministre de la Culture), puis Laurent Le Bon, directeur du Centre Pompidou-Metz, dont le nom, un temps écarté, avait été remis en tête de liste par l’Élysée.

Douze ans auparavant, la même fébrilité avait prévalu lors de la succession de Pierre Rosenberg qui avait alors publiquement opposé, au printemps 2001, Henri Loyrette, directeur du Musée d’Orsay, à Christiane Ziegler, conservatrice chargée du département des Antiquités égyptiennes au Louvre. Les conservateurs du musée, en particulier, étaient réticents à être dirigés par une personnalité extérieure à la maison, qui plus est, relativement jeune. Henri Loyrette avait alors 49 ans. Dans une institution où la promotion interne était la règle, le choix du président Jacques Chirac en sa faveur avait fait figure de première, bien que la nomination d’Henri Loyrette ait bénéficié de la cooptation par le président-directeur sortant, comme le voulait là encore la tradition.

Nouvelle règle
Sous la présidence de François Hollande, fébrilité identique mais changement de procédure. La ministre de la Culture, désireuse de la rendre plus transparente et aussi de reprendre la main sur une institution qui lui a échappé, a initié une nouvelle règle. Pour la première fois dans l’histoire du recrutement du chef d’une grande institution culturelle, ont eu lieu appel à candidatures, notification des profils recherchés et des objectifs, dépôt de projets et rencontres par le cabinet d’Aurélie Filippetti d’une dizaine de candidats, avant que la ministre elle-même ne rencontre Jean-Luc Martinez, Sylvie Ramond et Michel Hilaire, directeur du Musée Fabre à Montpellier. Autrement dit les trois personnes en tête de la « short list » remise par le ministère de la Culture à Matignon et à l’Élysée, instance suprême de l’exécutif avec lesquels, dit-on du côté de la Rue de Valois, « le ministère a entretenu des échanges depuis le début de la procédure parce qu’on s’entend bien, on s’apprécie et on se fait confiance. » Déceler des jeux d’influence entre le ministère et le cabinet de la présidence est erroné, précise-t-on. « Les discussions ont été simples, franches. »

Pourtant la rencontre précipitée le lundi 25 mars entre Aurélie Filippetti et Laurent Le Bon, après que le nom du directeur du Centre Pompidou-Metz eut été remis en circulation par la présidence de la République, et placé à égalité avec ceux de Sylvie Ramond et Jean-Luc Martinez donnés en tête de liste par la ministre, montrait que l’Élysée voulait rester maître du jeu. La divulgation le 4 avril par voie de presse du choix de François Hollande, et bien avant que le conseil des ministres ne s’achève, prenait même de vitesse la ministre.

Projets non communiqués
« Jusqu’au bout l’exécutif a voulu demeurer maître du jeu, sans réelle transparence au final », note Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale. « Des noms ont circulé, ont été commentés sans que le contenu des projets soit révélé, discuté, commenté », poursuit le député, auteur en décembre 2012 d’une proposition de résolution pour améliorer le processus de recrutement à la tête des grandes institutions culturelles. Il est vrai que la volonté de transparence manifestée par la ministre de la Culture a un goût d’inabouti. La question de savoir ce qui distinguait les projets de Jean-Luc Martinez, Sylvie Ramond ou Laurent Le Bon n’obtient ainsi toujours pas de réponses précises. Il faudra donc attendre encore quelques jours pour connaître les grandes orientations qu’entend donner au Louvre son nouveau président-directeur.
« L’article 13 de la Constitution prévoit des auditions devant la commission culturelle de l’Assemblée nationale et du Sénat pour certaines nominations de l’exécutif comme celle du président du CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel] ou de France Télévisions. En revanche, la commission est complètement zappée pour ce qui concerne les chefs d’établissement des grandes institutions culturelles », souligne-t-il, précisant avoir été informé tout au long de la procédure des noms des candidats retenus mais nullement de la teneur des programmes de chacun. Comme si, toujours, et malgré l’appel à projets lancé pour la succession d’Henri Loyrette, l’exécutif ne voulait pas remettre en cause véritablement le circuit très fermé des nominations où chacun assoit son pouvoir.

Légende photo

Jean-Luc Martinez - © Photo Musée du Louvre 2013 / Antoine Mongodin

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°389 du 12 avril 2013, avec le titre suivant : Louvre : les coulisses d’une nomination

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