Politique

Les surprises du débat parlementaire sur le budget de la culture

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 5 novembre 2018 - 974 mots

PARIS

De l’incertitude sur le Pass culture à des amendements surprise du ministre, la séance parlementaire n’a pas manqué d’inédits.

Assemblée nationale
L'Assemblée nationale à Paris
Photo Ex13

Lors des discussions en séance sur les crédits de la mission Culture, mercredi 31 octobre, les députés de l’opposition ont longuement et à plusieurs reprises interpellé le ministre sur les dossiers chauds du moment que sont le Loto du patrimoine, le projet de centre de la francophonie à Villers-Cotterêts et surtout le Pass culture. Les débats ont permis aux différents groupes de se positionner sur ces sujets et d’apporter des informations inédites, pour le public mais aussi pour les parlementaires.

Un peu poussé dans ses retranchements, Franck Riester a ainsi révélé que les 21 millions d’euros supplémentaires pour le patrimoine, annoncés avec son collègue Gérald Darmanin, venaient en fait du dégel d’une partie des crédits de paiement du patrimoine pour 2018, sans rentrer davantage dans les détails. En réalité, étant donné que le taux de mise en réserve pour le budget 2018 est de 3 %, les crédits de paiement gelés pour les Monuments historiques et le patrimoine monumental (le champ d’intervention de la mission Bern) s’élèvent à seulement 10 M€ (348 M€ x 3 %). Le solde, soit 11 M€ - correspond au dégel d’une partie des autres « actions » du programme intitulé « Patrimoine » qui comprend aussi les musées, l’archéologie... De l’art de jouer sur les mots. 

M. Gilles Carrez (député LR du Val de Marne), rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire s’est inquiété du poids des dépenses pour Villers-Cotterêts, Versailles, Fontainebleau et le Grand Palais, prophétisant « que nous ne serons pas en mesure de lancer le schéma directeur de la rénovation du Centre Pompidou au cours de cette législature ».

La restauration de Villers-Cotterêts a particulièrement attiré l’attention, notamment en raison de son montant, 110 M€, une somme non définitive a prévenu le ministre. « L’État assurera, en 2019, un financement à hauteur de 55 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 10 millions d’euros en crédits de paiement », a-t-il précisé.

Où l’on apprend que le Pass culture pourrait ne pas être généralisé
Très remontés, plusieurs députés ont émis des doutes voire sévèrement critiqué le Pass culture. Ainsi reprenant une remarque déjà formulée dans ces colonnes, Mme Brigitte Kuster (députée LR de Paris et rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation) s’interroge : « Une somme de 34 millions d’euros est allouée à l’expérimentation du Pass par 10 000 jeunes, soit un coût de revient de 3 400 euros par personne ! Combien coûtera donc le dispositif final, une fois déployé auprès de 800 000 jeunes ? »

Mme Sylvie Tolmont (députée socialiste de la Sarthe) a, elle, remis en cause le bien-fondé du pass : « Cette idée ancienne de délivrer des bons d’achat de produits culturels, déjà expérimentée dans certaines collectivités, contestée par des personnalités qualifiées, n’a pas fait ses preuves, tant s’en faut, et il suffit pour s’en convaincre de considérer l’expérience ratée du Bonus Cultura en Italie. »

Le ministre a dû revenir à plusieurs reprises pour expliquer le projet précisant que celui-ci était en phase de test. Il a laissé échapper qu’il n’était pas dit que le pass serait généralisé : « L’expérimentation sera utile, et, au moment de la généralisation – si généralisation il y a –, nous devrons aussi réaliser une évaluation. »

Deux amendements surprise du gouvernement
L’exécutif a profité de la discussion en séance pour faire passer deux amendements qui n’avaient pas été discuté en commission, au grand dam des députés de l’opposition qui s’en sont agacés.

Le premier concerne l’autorisation de racheter à la Ville de Paris une partie des abords – 8 650 m² - du Grand Palais dans le cadre du projet de restauration, « pour un montant global de 4,6 millions d’euros, dont environ 3 seraient financés directement par le Grand Palais et environ 1,6 par l’État ». Cet amendement a bien entendu été voté compte tenu du poids des députés de la majorité présidentielle. Les parlementaires ont cependant insisté pour avoir une meilleure visibilité sur cette rénovation, dont le dernier coût connu s’élève à 466 M€.

L’autre amendement s’inscrit dans le cadre du programme « Action publique 2022 », -la RGPP version Emmanuel Macron- un peu mis sous le boisseau ces temps-ci. Il vise à permettre au Centre des monuments nationaux, au Musée d’Orsay et au Château de Versailles de gérer eux-mêmes leurs ressources humaines comme le font déjà Le Louvre et la BNF. 17,4 M€ seront ainsi transférés de l’administration vers ces opérateurs.

Les salaires des enseignants des écoles d’art
En revanche l’amendement présenté par Brigitte Kuster concernant l’écart de salaire entre les enseignants des écoles d’art nationales et ceux des écoles territoriales, n’a pas été adopté. La députée a rappelé que Françoise Nyssen s’était engagée lors du dernier congrès de l’Association nationale des écoles supérieures d’art et design publiques (ANDEA) à apporter 800 000 € de crédits supplémentaires pour combler cet écart. Or cette somme n’apparaît pas dans les documents budgétaires.

En réponse, le ministre a botté en touche ! « Ma prédécesseure s’est bien engagée à y remédier. Je veux simplement me donner un peu de temps pour bien prendre connaissance du dossier et de ses enjeux, afin de voir quelle est la meilleure solution, à la fois juridique et financière, à apporter à ce problème. » 

Enfin plusieurs députés ont regretté la vacance de plusieurs postes de direction, à l’instar de Mme Valérie Rabault (député socialiste du Tarn-et-Garonne) : « je profite de cette intervention pour dire mon regret que la plupart des commentaires que l’on peut lire dans le bleu budgétaire soient rédigés par des directeurs par intérim. Il serait temps que les administrations du ministère de la Culture soient dirigées par des directeurs titulaires. »
 

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