Les régions à l’assaut de Paris

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 19 juin 2013 - 1272 mots

Si les institutions parisiennes sont toujours en tête du classement dans les villes de plus de 200 000 habitants,
celui-ci accueille en bonne place de plus en plus de musées des capitales régionales.

 Le classement regroupant les musées situés dans les villes de plus de 200 000 habitants fait ressortir une dizaine de capitales régionales (Lyon, Strasbourg, Toulouse, Nice, Bordeaux, Lille, Rennes, Montpellier et Nantes) (1). Et sur la soixantaine de musées représentés, trente sont parisiens. Faut-il s’en étonner ? Les quatre premières places sont occupées par le grand quatuor de la capitale : le Musée du Louvre, le Musée national d’art moderne, le Centre Pompidou, le Quai Branly et le Musée d’Orsay (ces deux derniers étant très proches). Belle surprise cependant pour le Musée du Louvre qui, après avoir dominé le Palmarès des musées du Journal des arts de 2005 à 2008, a regagné la première place du classement toutes catégories confondues. Entre l’inauguration des salles consacrées aux Arts de l’Islam, à Paris et l’ouverture du Louvre-Lens, 2012 fut une année d’expansion pour le Louvre. À son arrivée à la tête de l’institution au printemps dernier, Jean-Luc Martinez a affirmé vouloir donner une nouvelle direction au musée, en donnant la primeur au public parisien et lensois plutôt qu’aux échappées internationales. Nouvelle direction également au Palais des beaux-arts de Lille (5e), premier musée en région du classement. En février dernier, Bruno Girveau a succédé à Alain Tapié, qui avait dirigé dix ans durant le musée lillois. Hormis un passage à vide en 2010, l’institution a toujours figuré dans les dix premiers du classement, reflétant une politique municipale volontariste en matière de culture. En 2012, le musée a profité de la manne de visiteurs attirés par « Fantastic », le festival triennal Lille 3000, en accueillant 100 000 visiteurs de plus qu’en 2011 – les recettes commerciales ont logiquement suivi ( 67 %). Le musée est particulièrement actif sur le front de la médiation et des conférences. Pour progresser, le musée peut notamment s’ouvrir aux coproductions d’expositions, poursuivre ses efforts pour la fréquentation de son site web, en hausse depuis 2011, et enfin attirer les jeunes de moins de 26 ans, en faible proportion malgré un accès gratuit.

Le mécénat aime aussi la province
Côté mécénat, cette année 2012 vient tordre le cou aux croyances selon lesquelles Paris, et a fortiori le Louvre, monopolisent toutes les bonnes volontés financières. Le Palais des beaux-arts de Lille, le Musée des beaux-arts de Lyon (7e), le Musée Fabre à Montpellier (8e) ainsi que le Musée d’art contemporain de Lyon (10e) témoignent tous les quatre d’une saison fructueuse. Toutes proportions gardées, car ces deux derniers ont respectivement doublé et triplé leurs chiffres en engrangeant 70 000 euros… Si l’exposition « Les Fables du paysage flamand » a suscité particulièrement l’intérêt de partenaires privés du musée lillois, le Musée des beaux-arts de Lyon se distingue par le succès de sa souscription publique pour finaliser l’acquisition de L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint de Jean-Auguste Dominique Ingres (750 000 euros), portée par le mécénat d’entreprise. Le musée est aujourd’hui sur la piste d’un trésor du même acabit, mais travaille encore en toute discrétion. Second musée en régions de ce classement, l’institution lyonnaise jouit d’une belle popularité locale que vient étayer le taux élevé de Lyonnais devenus membres. D’une manière générale, la fréquentation est en hausse, imputable à 13 % au tourisme. Enfin, le Musée des beaux-arts de Lyon partage avec le Musée Fabre de Montpellier une politique d’expositions ambitieuses portée par le réseau Frame (French Regional and American Museums Exchange). À l’exemple de celle consacrée à l’artiste américain Joseph Cornell qui débutera en octobre à Lyon, ou de « Corps et Ombres, Caravage et le Caravagisme européen », grand succès de l’année à Montpellier. Depuis son entrée dans notre classement en 2009 à la 19e place, le Musée Fabre n’a cessé de progresser. Les visiteurs qui se sont mobilisés en masse pour le Caravage ont pu y découvrir une Lamentation sur le Christ mort de Leonello Spada, œuvre d’intérêt patrimonial majeur et acquisition sans précédent pour l’institution (785 000 euros), réalisée pour moitié grâce à des mécènes.

Note

(1) Marseille, qui n’a pas répondu à notre questionnaire, est la grande absente. L’impulsion donnée par Marseille-Provence 2013 pour un renouvellement des musées de la ville devrait pourtant donner de beaux fruits pour notre palmarès de l’année prochaine.

Investir pour restaurer
Avec 2,8 millions d’euros déboursés pour la restauration des œuvres en 2012, le budget du Musée du Louvre représente à lui seul près de 40 % des dépenses globales des musées situés dans des villes de plus de 200 000 habitants – la moyenne se situe autour de 137 000 euros. Les grands chantiers du Louvre initiés en 2008 y sont pour beaucoup, tant en termes de restauration que de conservation préventive, avec une moyenne de 3,2 millions d’euros dépensés chaque année. 3 500 œuvres ont été traitées dans les collections des Arts de l’Islam, auxquelles se sont ajoutées celles de l’Orient méditerranéen et les chefs-d’œuvre transférés au Louvre-Lens. Tandis que La Victoire de Samothrace est actuellement entre les mains de restaurateurs pour une remise en beauté opérée sous les yeux du public, le chantier du mobilier XVIIIe qui fait l’objet de toute l’attention de la cellule mécénat doit être inauguré d’ici la fin de l’année.

Budget d’exposition à fonction variable
En 2012, plus de 57 millions d’euros ont été dépensés par les musées des grandes villes pour l’organisation d’expositions temporaires, avec une moyenne de 1,1 million d’euros. Ce chiffre est largement imputable aux grosses machines parisiennes (Louvre, Branly, Orsay et MNAM) à l’origine de la moitié de ces dépenses. En tête, le Musée national d’art moderne-Centre Georges Pompidou a réglé une facture de 7,66 millions d’euros en 2012 (hors Centre Pompidou Metz et Centre Pompidou Mobile). Ces sommes importantes sont à relativiser en fonction du nombre global de visiteurs payants de chaque institution – soit les billets d’entrée pour les collections permanentes et/ou les expositions. Ainsi les dépenses du MNAM (2 euros par visiteur payant) sont largement en deçà de la moyenne, qui se situe autour de 15 euros. De même que les 47 euros déboursés par les Abattoirs à Toulouse s’expliquent par la fermeture du musée de février à mai 2012, les 90 centimes dépensés par le Louvre n’ont rien de surprenant. Sur les 9,7 millions de visiteurs du Louvre, nombreux sont les touristes venant d’abord pour les collections permanentes.

Les « nouveaux publics »
Pour rendre le musée accessible au plus grand nombre, les institutions s’efforcent d’aller au-devant de publics dits « empêchés ». Centres d’action sociale, associations, hôpitaux, structures caritatives et judiciaires travaillent de près avec les musées pour organiser des visites libres ou accompagnées d’un guide, mais aussi des ateliers. Le Quai Branly se distingue en multipliant les initiatives in situ et hors-les-murs. En décembre, la Semaine spéciale de l’accessibilité à l’occasion de la Journée internationale du Handicap propose un programme de découvertes sonores, tactiles ou encore en langue des signes. Une fois par an, le musée est intégralement réservé pour une Journée spéciale au bénéfice des associations, sous le patronat du mécène Total. Les groupes amenés par des structures, telles les Restos du cœur ou le Secours populaire, ont droit à des visites guidées, des spectacles, un pique-nique dans le jardin… Cette année, Cergy a accueilli la première session des Ateliers nomades. Au terme d’ateliers de familiarisation avec les collections, des navettes étaient à disposition pour venir découvrir le Quai Branly. Dans tous les cas de figure, l’idée est de désinhiber les publics avant de les confronter aux œuvres. Et pourquoi pas d’en faire des visiteurs fidèles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Les régions à l’assaut de Paris

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