Grande-Bretagne

Les mécènes privés plus généreux que les sociétés

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 749 mots

Le mécénat n’évolue que lentement en Grande-Bretagne.

LONDRES -  Pour les musées londoniens tels que le Victoria & Albert Museum ou le British Museum, les mécènes privés continuent d’être plus généreux que les grandes sociétés. Il est rare que l’une d’elles fasse un don financier aussi important qu’un particulier : on en a eu un remarquable exemple avec la Galerie Hotung, au British Museum, pour laquelle le magnat de Hong Kong Joseph Hotung a fait récemment un don de 2 millions de livres (16,7 millions de francs).

Les sociétés doivent au contraire tenir compte d’un conseil de surveillance pour leurs dons, et elles cherchent toujours à tirer quelque profit commercial en échange de leur générosité.

Le mécénat d’entreprise est pourtant vital pour les arts plastiques en Grande-Bretagne : avec la réduction inexorable des crédits gouvernementaux alloués aux musées, lui seul permet la restauration des œuvres, l’organisation des expositions et la rénovation des salles.

La recherche de mécènes pour les expositions paraît bien organisée en Angleterre. Il est arrivé que certaines expositions projetées aient été annulées faute de mécénat financier, mais beaucoup ont été aussi organisées sans son secours, et aucun musée londonien – y compris la Royal Academy, fondation privée – ne prétendra que le mécénat (ou son absence) dicte le choix des expositions qu’il présente au public.

Les firmes actuellement les plus en vue dans ce domaine sont Silhouette Eyewear ("Egon Schiele" et "Le Tibet" à la Royal Academy), et Glaxo ("Modigliani" à la Royal Academy, "Le théâtre à l’époque de David Garrick" au Courtauld Institute).

Mécène sans débourser un penny !
Depuis la récession, plusieurs sociétés ont davantage veillé à rentabiliser leurs investissements dans leur stratégie de mécénat. Andrea Nixon, de la Tate Gallery, déclare que "le mécénat est évolutif : ce que les sociétés font une année, il n’est pas sûr qu’elles le fassent l’année suivante." Les principales motivations restent l’image de marque, la couverture médiatique et la santé de la société ; elles s’attachent par-dessus tout au succès public de la manifestation "sponsorisée".

Le nombre de visiteurs est décisif pour la participation des mécènes. La Royal Academy jouit sur ce point de l’une des meilleures réputations : alors que l’exposition "Picasso" organisée par la Tate Gallery a réuni cette année quelque 296 000 visiteurs, l’exposition "Monet" de la Royal Academy en a attiré dans le même temps plus de 600 000. Un autre atout de cette institution est le nombre des points d’affichage stratégiques – cinquante-deux – dont elle dispose dans le métro londonien.

En outre, l’Académie a développé un système de "contrat" qui garantit le mécène contre les pertes indues : il n’aura à payer réellement, en fin d’exercice, que la différence entre les recettes et le coût de l’exposition, ce qui implique qu’il peut fort bien se tirer d’affaire sans avoir à verser un penny.

Geoffrey House, chargé de la chasse au mécène pour les expositions du British Museum, reconnaît que "le mécénat fonctionne mieux s’il y a conjonction d’intérêts. Les mécènes sont intéressés par le sujet et heureux de collaborer avec les conservateurs qui vont utiliser leur argent, non par la publicité." Au sujet de l’exposition en cours "L’or des Grecs : bijoux du monde classique", il explique que le British Museum, en liaison avec le Musée de l’Ermitage et le Metropolitan Museum, a longtemps cherché un mécène pour les trois expositions et que l’un des organisateurs de l’exposition a fini par amener Cartier. "Si une exposition de bijoux grecs concorde avec les activités et les objectifs de Cartier, tant mieux – mais sans Cartier, rien n’aurait pu être fait."

Des ordinateurs en accès libre
La National Gallery a eu la main particulièrement heureuse en matière de mécénat : ABN-AMRO a financé entièrement la production du nouveau Companion Guide to the National Gallery, vendu ainsi 7,50 livres sterling l’unité (62 francs).

Le soutien d’American Express permet, lui, de mettre en accès libre les ordinateurs dans la Microgallery de l’aile Sainsbury ; Esso patronne les expositions de la série Making & Meaning – "La jeunesse de Michel-Ange" a ouvert le 19 octobre – qui sont ainsi en entrée libre ; enfin, la société Glaxo va aider financièrement l’exposition des "Natures mortes espagnoles" qui ouvrira en février 1995. Neil MacGregor, directeur du musée, souligne : "Il nous est impossible de sortir facilement les tableaux ; attirer le public dans le musée est donc vital pour nous." Il confesse également un sentiment "d’obligation envers le secteur privé, qui fait ce que l’on n’obtient généralement que par l’impôt".

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Les mécènes privés plus généreux que les sociétés

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