Londres

Les desseins secrets de Barbara Hepworth

Vingt ans après la mort du sculpteur, ses archives demeurent inaccessibles

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 564 mots

Les documents laissés par Barbara Hepworth, après sa mort en 1975, n’ont toujours pas été remis aux archives de la Tate Gallery. Sa correspondance est toujours entre les mains de l’historien d’art Sir Alan Bowness, gendre de l’artiste et co-exécuteur testamentaire. L’ancien directeur de la Tate, entre 1980 et 1988, promet aujourd’hui que tout sera réglé en 1996. Une situation qui n’est pas sans rappeler \"l’affaire\" Brancusi (JdA n°3, mai).

LONDRES - Le retard pris dans l’exécution des dernières volontés de l’artiste a conduit à des heurts entre ses exécuteurs testamentaires. Sir Norman Reid, ancien directeur de la Tate Gallery (entre 1964 et 1979) et co-exécuteur lui-même, regrette cet état de choses et comprend l’impatience des chercheurs.

L’impossibilité de consulter les archives du sculpteur a également gêné la rétrospective qui sera exposée aux États-Unis (New Haven, du 4 février au 9 avril 1995) et au Canada (Toronto, du 19 mai au 7 août) après sa présentation initiale à la Tate Gallery à l’automne 1994. "Nous aurions pu présenter plus complètement une artiste injustement tombée dans l’oubli", déclare Penelope Curtis, responsable de cette exposition.

Sir Alan Bowness est le seul à avoir vu les archives Hepworth : des dizaines de milliers de documents remplissant sept malles. Parmi eux, la correspondance entretenue avec les galeries Gimpel Fils et Marlborough, et avec des amis comme Adrian Stokes, Herbert Read et Margaret Gardiner.
Après avoir épousé la fille de l’artiste en 1957, Alan Bowness, devenu administrateur de la Tate Gallery en 1965, a suggéré à Barbara Hepworth le don de ses archives au musée ; un legs réglé par un codicille testamentaire du 29 mars 1974.

Dix ans d’interdiction
Avant de mourir dans l’incendie de son atelier, le 20 mai 1975, en laissant un héritage de 2,8 millions de livres (24,4 millions de francs environ), l’artiste avait désigné quatre exécuteurs testamentaires. Le codicille de 1974 spécifiait qu’il fallait d’abord garder "toutes les œuvres d’art en sa propriété" pour vingt-et-un ans, jusqu’en 1996 donc, et qu’ensuite la correspondance serait "interdite aux chercheurs pour une période de dix ans à compter du jour de ma mort", ce qui laissait entendre qu’elle souhaitait la voir accessible après.

Alan Bowness a gardé tous les documents pour travailler à une biographie de sa belle-mère, d’autant que certains d’entre eux (concernant les quatre enfants de l’artiste, en particulier) ne sont pas "à mettre entre toutes les mains". "Mon livre sera la seule biographie autorisée", déclare-t-il. Il justifie la longueur de ses travaux en rappelant les charges successives qui l’ont occupé : la transformation de l’atelier de Barbara Hepworth en musée, puis la direction de la Tate Gallery et enfin la direction de la Fondation Henry Moore. Ce dernier poste avait provoqué un grave différend avec la fille de l’artiste, Mary Danowski.

En février dernier, après avoir quitté la Fondation Moore, Sir Bowness s’est enfin mis à la rédaction de son livre, qu’il espère terminer en 1996. S’il empêche l’accès aux archives Hepworth, il s’est montré généreux pour le prêt des œuvres, en accord avec les autres exécuteurs testamentaires (l’un d’eux est mort en juin 1994) : sur les quatre-vingt-cinq sculptures présentées à l’exposition de Liverpool, quatorze proviennent de l’héritage. Il reste que les détracteurs du distingué Sir Alan Bowness regrettent qu’un historien d’art de cette qualité ait interdit à toute une génération de spécialistes l’accès à des archives capitales pour l’histoire de l’art anglais contemporain.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Les desseins secrets de Barbara Hepworth

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