Le « vetting », clé du succès

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 28 février 2011 - 816 mots

Chaque année, Tefaf déploie une armée de spécialistes internationaux, pour moitié venant d’institutions, chargés de donner un blanc-seing aux pièces exposées sur la foire.

Qu’est-ce qui fait la réputation de Tefaf, à Maastricht ? Incontestablement le sérieux de son vetting. Cet anglicisme désigne aussi bien les règles très strictes auxquelles sont soumis les exposants en matière d’authenticité, de qualité, d’état de conservation et même de présentation des œuvres d’art, que les comités d’experts en charge du contrôle de l’application de ces règles. Le vetting est une très grande assurance de qualité pour les clients de la foire. Tefaf en est tellement fière qu’elle en publie les grandes lignes dans son catalogue, ainsi que la liste des membres des vetting committees, les comités d’expertise par spécialité. On n’en compte pas moins de 17 pour un total de plus de 170 spécialistes internationaux : marchands (exposants ou non à la foire), experts indépendants, conservateurs, historiens d’art, universitaires et restaurateurs. La capacité de la foire à rassembler autant de personnes compétentes, venant des quatre coins de la planète, force le respect. « On se sent très honoré d’avoir été choisi pour faire partie du vetting », témoigne Jean-Marcel Camard, président de la maison de ventes parisienne Camard & Associés et membre du comité « Arts appliqués et design » à Maastricht. À ses côtés, on trouve l’exposant français François Laffanour, de la galerie Downtown (Paris), mais aussi les conservateurs Thimo te Duits du Musée Boijmans Van Beuningen à Rotterdam, Christian Witt-Dörring de la Neue Galerie à New York et Alexander von Vegesack, directeur et cofondateur du Vitra Design Museum à Weil am Rhein (Allemagne). Pour l’expert et marchand amstellodamois Frans Leidelmeijer, qui pilote ce groupe, « ce métissage de professionnels du marché et des institutions est extrêmement bénéfique ». « C’est un mélange nécessaire, approuve Alexander von Vegesack. Le nombre important de spécialistes des deux côtés assure la qualité de la présentation. » Le conservateur, qui est incollable sur l’histoire du mobilier industriel, s’avoue beaucoup moins calé pour « juger d’une mauvaise restauration d’un meuble de Jean Prouvé ou d’un repeint ultérieur. Les marchands sont mieux à même de voir cela ». 

Recrutement exigeant
Plus pragmatique, James Roundell, l’un des dirigeants de la galerie londonienne Dickinson, qui expose à Tefaf, et le chef d’équipe du vetting pour l’art moderne et contemporain, apprécie l’absence de conservateur. « L’art moderne est un domaine très large qui reste mieux appréhendable par des personnes qui ont un vaste champ de connaissances, notamment par l’expérience des ventes publiques », se justifie-t-il. Épaulé, pour l’expressionnisme allemand, par la galerie Thomas (Munich), l’ancien directeur du département des peintures impressionnistes et modernes chez Christie’s, à Londres, ne cache pas sa joie de travailler avec deux ex-employés de l’auctioneer, Jörg-Michael Bertz et Matthijs Erdman, aujourd’hui respectivement consultants à Düsseldorf et Amsterdam.
Pour le collège d’experts en charge des tableaux anciens – la section historique de Tefaf –, les critères de recrutement sont des plus exigeants. L’enjeu est l’attribution correcte d’une peinture, puis son degré de restauration qui est rarement nul, avant de juger sa qualité. Aussi, pour se prémunir d’un éventuel « conflit d’intérêt », Anthony Speelman, directeur de la galerie Edward Speelman à Londres et président du vetting pour la peinture ancienne, n’accepte « ni marchand, ni spécialiste ou ex-spécialiste de Christie’s ou Sotheby’s » dans son groupe exclusivement composé d’une trentaine de conservateurs, historiens d’art, universitaires et restaurateurs. Une moitié examine les écoles hollandaise, flamande et nordique, tandis que l’autre passe en revue les peintures françaises, italiennes, espagnoles et anglaises. « En cas de désaccord, nous procédons par votes à la majorité », précise Anthony Speelman.
Deux jours avant l’ouverture de la foire, les comités de vetting de toutes les spécialités sont invités à passer au peigne fin la totalité des 260 stands et des réserves, en l’absence des intéressés. « Car il n’est pas rare de voir un objet d’art tribal chez un joaillier, une galerie d’art moderne ou d’art asiatique », note l’expert et marchand Anthony Meyer, membre du vetting pour les arts premiers. Dans ce cas, l’exposant est soumis aux mêmes exigences de qualité que s’il était marchand dans la section concernée. 

Comité à convaincre 
Lorsqu’un exposant se voit retirer un ou plusieurs objets de son stand pour non-conformité avec un des standards de Tefaf, il existe la possibilité d’un recours à l’issue du vetting, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas pour toutes les foires internationales. À charge pour le vendeur d’apporter de nouveaux éléments susceptibles de convaincre le comité.
L’an dernier, bien que pourvu d’un authentique certificat d’authenticité rédigé de l’expert attitré de l’artiste, une sculpture de Rodin a été retirée définitivement d’un stand. Après examen de l’intérieur du bronze, l’ancienneté de la fonte s’est avérée suspecte. Sans que l’on sache si, par la suite, le marchand n’a pas tenté de proposer cet objet à la vente dans sa propre galerie. 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°342 du 4 mars 2011, avec le titre suivant : Le « vetting », clé du succès

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