Le Musée des arts Premiers au quai Branly ?

Jacques Chirac se prononce pour l’option ambitieuse : un milliard de francs pour un réalisation sur au moins cinq ans

Le Journal des Arts

Le 13 février 1998 - 772 mots

En faisant part de sa préférence pour le site du quai Branly, le président de la République a opté pour la version la plus ambitieuse du Musée de l’homme, des arts et des civilisations. L’entreprise s’annonce longue, chère et difficile.

PARIS - Le Musée de l’homme, des arts et des civilisations (Mhac) prendra probablement place sur le site inoccupé mais convoité du quai Branly. Jacques Chirac, initiateur du projet, s’est en effet déclaré en faveur de cette solution ambitieuse autant qu’onéreuse. Le chantier est évalué à un milliard de francs, et le programme de réalisation s’étalerait sur au moins cinq ans. Pour rentabiliser l’opération, la Mission de préfiguration du Mhac envisage de diviser le terrain en parcelles et d’en revendre une partie. Au total, les quelque 420 000 pièces des collections du futur musée – provenant pour l’immense majorité du département ethnologique du Musée de l’Homme et du Musée des arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO) – se déploieraient sur 35 000 m2.

L’importance des surfaces d’exposition constitue un point crucial. Elle faciliterait l’alliance d’une approche scientifique et pédagogique – exigée par le Musée de l’Homme –, avec une perception esthétique plus immédiate, selon les vœux des initiateurs du projet. Les partenaires du futur établissement – le Musée de l’Homme et le MAAO – ne se déclarent donc pas hostiles au site. Sous la double tutelle des ministères de la Culture et de l’Éducation et de la Recherche, le Mhac accueillera des unités de recherche et d’enseignement du Musée de l’Homme, mais aussi celles de l’École des hautes études sociales, du CNRS ou de Nanterre. Les réserves seront accessibles à ce public scientifique.

Bien que le contenu du musée reste à définir précisément, l’ethnologue Maurice Godelier, chargé depuis novembre du projet scientifique à la Mission de préfiguration, dresse une première esquisse du projet : “En marge des grands chefs-d’œuvre des différentes cultures représentées, il faudra concevoir des vitrines qui témoignent de la vie des gens qui ont produit ces pièces.” Néanmoins, il se déclare résolument contre la multiplication des panneaux explicatifs, qui “font fuir le public”, et souhaite plutôt créer “des espaces associés de réappropriation de ces cultures”, via la technologie multimédia, le virtuel et des extraits de films. Cette idée, partagée par l’ensemble des partenaires, implique un gros travail de réalisation de fiches pédagogiques et de banques de données.

Une série de gageures
Ce n’est qu’une des difficultés auxquelles sera confronté le futur Mhac. Il lui faudra aussi rééquilibrer des collections lacunaires et de qualité inégale selon les zones géographiques. Un budget de 150 millions de francs est prévu pour les acquisitions. D’autre part, le plan d’urbanisme du quai Branly devra être scupuleusement respecté pour ne pas reproduire les errements qu’avait connus le projet du Centre de conférences internationales. Un jardin de 7 500 m2 doit être intégré à l’ensemble, et la hauteur maximale des bâtiments est fixée à 25 mètres.

L’avenir du Musée de l’Homme et des bâtiments du MAAO reste également à définir. Le premier attend les moyens qui lui permettent de redéployer ses collections d’anthropologie, de biologie et de préhistoire. L’édifice de la Porte Dorée pourrait recevoir un hypothétique musée de l’histoire des Colonies. Enfin, un problème de calendrier risque de se poser par rapport à la Fiac, qui attend la fin du chantier au Grand Palais. Serge Louveau, chargé des deux dossiers, se veut rassurant. Une partie du Grand Palais, libérée par l’université de Paris IV, sera fonctionnelle dès 2000. Les travaux du quai Branly pourraient alors débuter. Mais il reste très improbable que le Musée des arts premiers soit prêt pour la fin du (premier) mandat de Jacques Chirac, en mai 2002.

L’antenne du Louvre

Vitrine et avant-goût du projet du Mhac, l’antenne – contestée – des Arts premiers située dans le pavillon des Sessions, au Louvre, semble en bonne voie. L’inauguration est fixée pour décembre 1999 et, dès le 16 mars, on devrait connaître l’architecte chargé du réaménagement intérieur. Sur 1 400 m2, le lauréat devra faire cohabiter quelque 140 chefs-d’œuvre d’Afrique, d’Océanie, d’Amérique précolombienne et d’Asie, avec des espaces plus didactiques qui replaceront les pièces dans leur contexte culturel. La Mission de préfiguration du Mhac, chargée du dossier, souhaite assurer un équilibre au moins qualitatif entre les différentes zones géographiques représentées. Pour combler les lacunes du MAAO et du Musée de l’Homme – les principaux prêteurs –, elle négocie actuellement des dépôts de plusieurs muséums d’histoire naturelle de province, ainsi que des dations et donations. Certaines procédures seraient en cours. L’antenne du Louvre bénéficie en outre déjà de crédits d’acquisition, à prendre sur l’enveloppe globale de 150 millions de francs destinée à l’enrichissement des collections du Mhac.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°54 du 13 février 1998, avec le titre suivant : Le Musée des arts Premiers au quai Branly ?

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