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Le Mémorial d’Auschwitz-Birkenau fait pression sur l’Unesco

Par Sindbad Hammache · lejournaldesarts.fr

Le 7 mars 2022 - 661 mots

OŚWIĘCIM / POLOGNE

Le Mémorial s’oppose avec force à la tenue de la prochaine session du Comité du patrimoine mondial en juin en Russie. 

Entrée du camp d'Auschwitz-Birkenau situé dans la ville polonaise d'Oświęcim  © carlosftw, Pixabay License
Entrée du camp d'Auschwitz-Birkenau situé dans la ville polonaise d'Oświęcim.
Photo Carlosftw

Sur le site internet de l’Unesco, la page d’accueil de la 45e session du Comité du patrimoine mondial affiche toujours une large photographie du centre historique de Kazan. La réunion annuelle au cours de laquelle les délégations des pays membres statuent sur l’inscription des nouveaux sites, doit en principe se tenir du 19 au 30 juin dans la sixième plus grande ville de Russie. 

Onze jours après le début de l’invasion russe en Ukraine, et ce malgré plusieurs demandes de relocaliser la réunion, l’Unesco n’a toujours pas évoqué la possibilité de déplacer la session dans un autre pays. Ce week-end, le Mémorial d’Auschwitz-Birkenau – un bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 1979 - a exigé avec véhémence que le Comité du patrimoine mondial ne se réunisse pas en Russie.

Dans un texte publié sur Twitter, samedi 5 mars, le Mémorial polonais estime que « programmer une discussion sur le patrimoine mondial en Russie est un affront fait aux innocentes victimes ukrainiennes. » Le lieu de mémoire exige la relocalisation de la 45e Session dans un autre pays, considérant que la tenue de la réunion à Kazan, en Russie, serait une violation des principes de la Convention du patrimoine mondial Unesco de 1972. « Tant qu’elle ne pourra être organisée à Kiev ou Kharkiv, il est moralement impossible […] de la tenir à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kazan ou quelque ville russe que ce soit », peut-on lire.

Sur le réseau social, le Mémorial d’Auschwitz-Birkenau a également interpellé directement de grandes institutions culturelles (Louvre, Orsay, Tate, MoMA...), mais aussi les délégations Unesco de nombreux pays, afin qu’elles soutiennent cette position. Une campagne virale qui est déjà un succès, selon le directeur du Mémorial, Piotr Cywiński. « Le message a été ouvert 1 million de fois, et ce n’est que le week-end », confie-t-il au Journal des Arts.

Pour le directeur, l’esprit de l’inscription d’Auschwitz-Birkenau sur la liste du patrimoine mondial oblige à certaines responsabilités morales. Le texte stipule en effet que le camp de concentration et d’extermination nazi est le seul lieu de ce type inscrit, et qu’il représente tous les autres. « Il n’y a pas beaucoup d’autres sites qui reflète le côté sombre de notre histoire dans la liste du patrimoine mondial. Avec ce communiqué, je me fais l’écho de l’esprit de notre inscription en 1979 », explique Piotr Cywiński.

Le directeur du Mémorial n’a pas de préférence quant au lieu de relocalisation de la 45e session : « Ça peut être dans n’importe quel pays libre, indépendant, prêt à discuter, et qui n’attaque personne. Au pire des cas, s’il n’y a pas de session en 2022 ce ne sera pas la fin du monde. Mais la tenir à Kazan, ce serait comme tenir un colloque sur la paix en Corée du Nord. »

Parmi les institutions et délégations sollicitées par le Mémorial sur Twitter, seule la délégation à l’Unesco du Royaume-Uni a pour l’heure réagi, considérant « inconcevable que le Comité du Patrimoine Mondial soit tenu à Kazan cette année ». Mardi dernier, la ministre de la Culture britannique Nadine Dorries avait exigé la relocalisation de cette session. Deux autres ministres de la Culture européens avaient auparavant formulé la même requête, Oleksandr Tkachenko en Ukraine, et le Tchèque Martin Baxa, ce dernier proposant de tenir la session au siège parisien de l'Unesco.

La Russie poursuit de son côté l’organisation de cette session, comme si de rien n’était. Au lendemain de l’entrée des troupes russes sur le sol ukrainien, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov planifiait une réunion de préparation de l’évènement le 2 mars. A l’issu de cette réunion, un court communiqué de presse annonçait que « les concepts des évènements à venir et le logo officiel de la session ont été examinés et approuvés.  » Le communiqué russe évoque également l’organisation d’un autre évènement de l’Unesco, le Forum des jeunes professionnels du patrimoine, programmé du 12 au 20 juin prochain à Saint-Pétersbourg.

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