Russie - Ukraine - Unesco

Après d'intenses tractations, une réunion de l'Unesco prévue en Russie reportée sine die

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 22 avril 2022 - 678 mots

KAZAN / RUSSIE

Après des semaines d'intenses tractations, la décision est finalement tombée jeudi : la session annuelle du comité du patrimoine de l'Unesco qui devait se tenir en Russie en juin est reportée sine die dans un contexte de pression croissante sur Moscou liée à la guerre en Ukraine.

38e session du Comité du patrimoine mondial de l'Unesco, Doha, Qatar, 2014 © Photo Eric Esquivel / Unesco - CC BY-SA 3.0 IGO
38e session du Comité du patrimoine mondial de l'Unesco, Doha, Qatar, 2014.
© Unesco

A l'issue d'une médiation active menée par la direction générale de l'Unesco, l'ambassadeur russe Alexander Kuznetsov, actuel président du bureau du comité du patrimoine mondial, a fini par proposer un report sine die qui a été acté officiellement jeudi, a annoncé l'agence onusienne. « Le bureau a convenu en consultation avec la directrice générale de reporter la 45e session du Comité du patrimoine mondial, initialement prévue du 19 au 30 juin 2022 », peut-on lire dans un courrier adressé par M. Kuznetsov aux États membres du comité et consulté par l'AFP.

Trouvé in extremis mardi, date butoir de l'envoi des invitations officielles, ce consensus est la dernière illustration en date des difficultés rencontrées par les Occidentaux pour convaincre le reste de la communauté internationale d'accentuer la pression et d'isoler la Russie.

Décidée en juillet 2021, la session 2022 du comité du patrimoine faisait à l'époque l'unanimité, tant sur ses dates que sur le lieu (Kazan) et devait permettre, comme chaque année, d'actualiser la liste des sites, paysages, monuments et villes inscrits au patrimoine de l'humanité. Mais l'offensive russe lancée en Ukraine le 24 février et les bombardements meurtriers qui ont suivi ont changé la donne et poussé une quarantaine de chancelleries, en majorité occidentales, à demander sa délocalisation hors de Russie.

Tractations « difficiles »

Le 8 avril, 46 pays, dont la France et la Grande-Bretagne, préviennent, dans une lettre ouverte, qu'ils boycotteront la session si cette dernière était maintenue sur le sol russe ou si elle restait présidée par la Russie. Cette offensive diplomatique, qui intervient au moment où la Russie est bannie d'évènements internationaux, notamment sportifs, se heurte à la réticence de certains États membres d'isoler encore davantage la Russie dans une enceinte censée favoriser le dialogue et la paix.

Signe de la sensibilité du sujet, rien ne filtre alors sur l'avancée des discussions. Les tractations sont « difficiles », commentait laconiquement la semaine dernière une ambassadrice occidentale.

Face à l'impasse, la direction générale de l'Unesco offre sa médiation et multiplie les consultations. Chaque mot de la lettre adressée par l'ambassadeur russe mardi aux autres membres du bureau (Inde, Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Italie, Thaïlande) est soupesé, négocié.

Au final, le courrier ne mentionne aucune date ni aucun lieu pour la prochaine session annuelle, se contentant d'acter un report - un scénario qui avait été pourtant exclu initialement par les Occidentaux. « Cette proposition de reporter la réunion sans pour autant fixer ni le lieu ni la date de la prochaine réunion était la seule pouvant aboutir », explique un diplomate. « Tout le monde a évolué sur sa position », développe-t-il, insistant sur le rôle joué par les États africains dans la médiation.

Report en 2022 ?

« La Russie a entendu les arguments sur le fait que la réunion ne pourrait pas se tenir dans de bonnes conditions à Kazan à ces dates-là et les Européens ont admis que ce report était la seule solution atteignable à ce stade faute de soutien de pays d'autres régions du monde ». Sollicités par l'AFP, ni l'ambassadeur de Russie, ni les ambassadrices du Royaume-Uni et de la France auprès de l'Unesco n'avaient répondu dans l'immédiat.

Et maintenant ? Obligé par ses statuts de se réunir une fois par an, le comité du patrimoine devra trancher d'ici fin 2022, lors d'une réunion ordinaire ou extraordinaire, la question de la tenue ou non de sa session annuelle. Un report à l'année suivante est toujours possible dans des situations d'urgence, rappelle-t-on à l'Unesco. En 2020 la session annuelle du comité avait ainsi été reportée à 2021 en raison de l'épidémie de Covid.

Pour le diplomate, il faut pouvoir « aborder sereinement les choses et éviter que le patrimoine mondial, qui est normalement un sujet de rassemblement, ne se retrouve pris en étau en raison d'une guerre ».

Par Marine Pennetier

Cet article a été publié par l'AFP le 21 avril 2022.

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