Succession

Le cadeau embarrassant de Denise René

La possibilité du legs de la collection de Denise René à la Ville de Strasbourg ravive les critiques sur la politique culturelle municipale

Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2012 - 514 mots

La galeriste Denise René, décédée cet été, aurait légué à Strasbourg une partie de sa collection axée sur l’op’art. La municipalité reste discrète sur ce legs soumis à condition. Denise René souhaitait qu’une partie des œuvres soit exposée à l’Aubette, bâtiment emblématique de l’art cinétique dont l’aile ouest a été transformée en centre commercial en 2009.

STRASBOURG - L’information, publiée à la mi-octobre dans le quotidien Les dernières nouvelles d’Alsace (DNA), est presque passée inaperçue : Denise René, galeriste parisienne emblématique de l’op’art, décédée le 9 juillet dernier, aurait légué à la Ville de Strasbourg une grande partie de sa collection. Dans la ville circulent des chiffres impressionnants relativement à sa composition, allant de 1 000 à 1 500 œuvres, mais sans plus de précisions. Quel qu’en soit l’exact volume, ce legs revêtirait pour les musées strasbourgeois une importance majeure, car la collection de Denise René, bâtie au fil des ans, est connue pour son extrême qualité. Ces dernières années, la galeriste pouvait proposait à partir de sa collection des expositions « clés en main » aux institutions. Jean Arp, Victor Vasarely, Serge Poliakoff, Jesús-Rafael Soto, artistes qu’elle a fréquentés et exposés dans sa galerie, sont représentés par des œuvres de choix dans sa collection. « L’opération est en cours de montage », fait-on savoir à la Mairie. L’annonce précoce de la possibilité du legs au profit de Strasbourg semble avoir mis la municipalité dans l’embarras. Ce legs serait en effet conditionné à l’exposition d’une partie des œuvres à l’Aubette, bâtiment emblématique de l’art cinétique, décoré dans les années 1920 par Theo van Doesburg en collaboration avec Jean Arp et son épouse Sophie Taeuber-Arp.

Hésitations
Si la volonté de Denise René paraît légitime, eu égard au fait qu’elle fut attachée à promouvoir l’œuvre d’Arp et de Marcelle Cahn dans leur ville natale par le biais d’expositions et de dons, la Ville de Strasbourg hésite. En effet, l’Aubette, dont l’aile ouest a été transformée en centre commercial en 2009, abrite dans son aile est un ciné-bal et accueille des événements culturels tels que les « Bibliothèques idéales ». Mais, selon Marc Merger, conseiller municipal dans l’opposition, ce ne serait pas une contrainte : « L’Aubette a été rénovée dans l’esprit de l’abstraction géométrique, il faut faire de cet endroit un lieu international de l’art abstrait. » Pour beaucoup, la solution serait de délocaliser la programmation culturelle actuelle de l’Aubette vers l’Ancienne Douane, à deux pas de la place Kleber. Or cet ancien lieu d’exposition est en passe de devenir un marché bio… « On observe un véritable flottement de la place de l’art contemporain à Strasbourg », souligne Marc Menger.

La Ville ne peut se permettre de passer à côté d’un legs de cette importance et de cette qualité. Et le temps presse, puisqu’en janvier la succession devra être close. Selon les DNA, la directrice des musées de Strasbourg a déjà été reçue au ministère de la Culture pour discuter des conditions d’acceptation et demander un délai. La concurrence s’annonce ardue : le Centre Pompidou aurait également été contacté par l’exécuteur testamentaire de Denise René.

Légende photo

Le ciné-dancing de l'Aubette -à Strasbourg © Photo : M. Bertola / Musées de la Ville de Strasbourg

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°379 du 16 novembre 2012, avec le titre suivant : Le cadeau embarrassant de Denise René

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