Insolite

L’artiste Andreï Molodkin menace de détruire des chefs-d’œuvre à l’acide

Par Marion Krauze · lejournaldesarts.fr

Le 15 février 2024 - 600 mots

Performance ou chantage ? Il menace de dissoudre les œuvres si Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, meurt en prison.

« Je n’essaie pas de détruire l’art, et je ne crois pas que je vais devoir le faire » a déclaré l’artiste russe Andreï Molodkin au Guardian, après avoir pourtant annoncé son intention de détruire plusieurs œuvres d’art à l’acide si Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, mourait en prison. Molodkin n’a pas spécifié de quelles œuvres il s’agit mais affirme en avoir rassemblé seize, dont des œuvres de Picasso, Rembrandt et Andy Warhol, et estime leur valeur totale à plus de 45 millions de dollars. Il menace de les disposer vendredi 23 février dans un coffre-fort contenant une substance corrosive.

Andreï Molodkin entend ainsi questionner la raison pour laquelle « détruire la vie des gens ne signifie rien, mais détruire l’art est un énorme tabou dans le monde ». Selon lui, il ne s’agirait pas d’activisme mais d’un projet artistique qu’il intitule « Dead Man’s Switch » et qu’il conçoit comme une œuvre collaborative. Molodkin aurait passé six mois à essayer de persuader des collectionneurs et des artistes de faire don de leurs œuvres. Des artistes comme Andres Serrano, Franko B, Santiago Sierra ou encore Sarah Lucas ont donné leurs propres œuvres pour le projet. Le propriétaire de la galerie milanaise Giampaolo Abbondio a confirmé à la chaîne de télévision Sky News avoir remis une œuvre de Picasso à Molodkin.

Andrei Molodkin, Dead Man’s Switch, 2024, bombe au milieu de seize caisses contenant des oeuvres d'art. © The Foundry Studio
Andrei Molodkin, Dead Man’s Switch, 2024, bombe au milieu de seize caisses contenant des œuvres d'art.
© The Foundry Studio

Les œuvres d’art seront placées dans des caisses en contreplaqué à côté d’une pompe pneumatique qui relie deux barils, l’un contenant de la poudre d’acide et l’autre un accélérateur capable de déclencher une réaction chimique suffisamment forte pour détruire tout le contenu du coffre-fort en deux heures. Ce coffre est actuellement dans l’atelier de Molodkin dans le sud de la France, mais l’artiste aimerait le transférer dans un musée. Un compte-à-rebours de 24 heures s’enclenchera quotidiennement et ne pourra être réinitialisé que si un proche de Julian Assange confirme bien chaque jour que ce dernier est toujours en vie.

Pour Andreï Molodkin, l’emprisonnement de Julian Assange – accusé d’avoir divulgué des documents militaires et diplomatiques américains classés secrets – est scandaleux. Molodkin dit avoir rencontré son épouse Stella Assange et des membres de WikiLeaks en mars 2023, lors d’une exposition londonienne organisée par l’association artistique a/political. Stella Assange a confirmé au New Yorker que son mari connaît et approuve le projet, qu’elle qualifie elle-même de « mesure de protection, une sorte de bouclier humain mais sous forme d’art ».

Julien Assange est emprisonné en détention provisoire à Belmarsh, dans le sud-est de Londres, depuis près de cinq ans. Il comparaîtra les 20 et 21 février prochains devant un tribunal pour tenter de s’opposer à son extradition aux États-Unis, où il risque jusqu’à 175 ans de prison.

Andreï Molodkin est plus ou moins connu pour ses œuvres d’art engagées, dans lesquelles il intègre fréquemment du sang humain, du pétrole brut et de l’acier. En 2022, il avait réalisé un grand portrait de Vladimir Poutine à partir du sang donné par ses amis Ukrainiens. En 2023, ce sont les mémoires du prince Harry qu’il asperge cette fois-ci de sang de donneurs afghans, pour protester contre la manière dont l’ouvrage décrit le meurtre de combattants talibans. Un activisme qui rappelle les « performances » de Piotr Pavlenski condamné à 6 mois de prison ferme, aménageable, en octobre dernier dans l’affaire Griveaux.

Son projet « Dead Man’s Switch » s’inscrit dans un contexte où le vandalisme artistique au profit d’une cause est de plus en plus fréquent. Récemment, les activistes du mouvement Riposte alimentaire ont aspergé de soupe La Joconde puis Le Printemps de Monet, heureusement protégées par une vitre.

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