L’art asiatique s’étend

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2007 - 1012 mots

La spécialité prend de l’importance année après année à Tefaf, suivant l’essor du marché des ventes publiques. Mais la foire peine encore à attirer la clientèle asiatique.

L'art asiatique devient de plus en plus important à  Tefaf (The European Fine Art Fair) », annoncent haut et fort les organisateurs de la foire international de Maastricht. Cela est même l’un des axes de communication de Tefaf pour 2007. Avec dix-huit exposants pour cette édition, la section des arts asiatiques et orientaux se renforce et gagne du terrain. Ben Janssens, l’un des principaux négociants en arts asiatiques établis à Londres, nommé en début d’année président du comité exécutif et président du conseil d’administration de Tefaf, voudrait faire de la foire dans ce domaine une escale essentielle pour les conservateurs et les collectionneurs privés.

« Depuis quelques années, je fais des efforts pour attirer des marchands spécialisés en arts asiatiques. Mais nous sommes encore peu, tandis qu’il y a de plus en plus de collectionneurs, explique-t-il. Nous n’avons, par exemple, toujours pas de spécialiste en art japonais. C’est un grand manque. » L’an dernier, trois nouveaux exposants avaient fait leur entrée à Maastricht à commencer par le Néerlandais Blitz (Amsterdam), spécialisé dans la céramique chinoise. Après avoir conquis de nouveaux clients européens, la Hongkongaise Grace Wu Bruce, l’une des plus grandes spécialistes mondiales du mobilier chinois des XVIe et XVIIe siècles, revient pour la deuxième fois avec un ensemble de pièces de la dynastie Ming. On notera une grande table de 2,30 m ; une table basse Kang ainsi qu’un cabinet en bois de huanghuali aux montants inclinés, fabriqué à la fin des XVIe-début XVIIe siècles.

Troisième marchand d’art asiatique arrivé en 2006 à Maastricht, la galerie Littleton & Hennessy Asian Art, à la fois basée à Londres et à New York, veut marquer le coup : « Lorsque nous avons été invités à participer à Maastricht l’an dernier, nous nous sommes dits pourquoi pas ? Après tout, n’est-ce pas la plus grande foire d’antiquaires au monde ? Nous avons monté une belle exposition qui a eu un certain succès auprès de collectionneurs privés et d’institutions d’Europe et des États-Unis, explique James Hennessy. Nous espérons faire encore mieux cette année et pour cela, nous avons apporté un ensemble de pièces, le plus prestigieux que nous n’ayons jamais exposé. » La star de cet ensemble, et de surcroît l’un des joyaux de la foire, est un rarissime tapir chinois en bronze incrusté d’or et de turquoise du - IV - IIIe siècles av. J.-C. au prix de 12 millions de dollars (9,23 millions d’euros, lire p. 18).

Le retour de John Eskenazi
L’autre surprise de cette édition est le retour à Tefaf après dix années d’absence de John Eskenazi, l’un des spécialistes internationaux les plus respectés de l’art indien, gandharien, himalayen et d’Asie du Sud-Est. « La foire a gagné en puissance depuis 10 ans, commente le marchand londonien. Mes clients sont principalement Américains ; je souhaite aujourd’hui conquérir une clientèle européenne. » Au sommet de son exposition, on trouvera un Bodhisattva debout de la région du Gandhâra (ill. p. 14). Cette œuvre importante et imposante (140 cm), en stuc, avec des traces de polychromie, date des IV-Ve siècles. Elle sera négociée autour d’un million d’euros. Une série de statues khmères en pierre provenant d’une collection privée allemande, également destinées au marché occidental, sont à l’honneur à la Zen Gallery de Bruxelles parmi lesquelles figure une superbe représentation de
99 cm de Uma, épouse de Shiva, de style Koh Ker du deuxième quart du Xe siècle.

La londonienne galerie Cohen & Cohen qui s’est imposée comme le plus grand spécialiste en porcelaine chinoise d’exportation produite pour le marché européen, exposera une importante garniture de la famille rose, exceptionnelle de taille (60 cm) et de qualité, datant de la période Yongzheng, vers 1730. Elle est à vendre à 350 000 euros tout comme une paire de vases Imari chinois de la période Kangxi, vers 1690. Une rare paire de figurines de la famille rose décorée de très beaux émaux, de la période Qianlong, vers 1740, est aussi proposée pour 120 000 euros. « D’après ce que nous avons pu constater récemment sur le marché international dans notre spécialité, les affaires marchent très fort pour les pièces de très haut niveau à plus de 100 000 dollars. Mais nous avons aussi noté un intérêt croissant pour les porcelaines moins importantes dû à l’arrivée d’un certain nombre de nouveaux acheteurs. Leurs prix sont déjà plus élevés que l’an dernier », note Michael Cohen.

Collectionneurs asiatiques
Il n’est pourtant pas beaucoup question d’achats asiatiques alors que le marché est si fort grâce à eux. « C’est vrai que l’on n’a pas beaucoup vu de gens d’Asie à Maastricht, reconnaît Ben Janssens. C’est un public qui n’achète pour l’instant qu’en salle de vente aux enchères. Notre challenge est de les attirer à la foire. » Un effort a donc été fait cette année pour capter ces acheteurs à travers une série de publicités et d’encarts rédactionnels dans des publications asiatiques. Mais les Chinois ont des goûts bien précis. Ils s’intéressent aux porcelaines des dynasties Ming et Ching (à partir du XIVe siècle), aux objets d’art en laque, ivoire, jade et cloisonnés de cette période et se montrent particulièrement friands de tout ce qui est impérial.

« Ce n’est pas vraiment ma marchandise », admet Ben Janssens davantage orienté vers l’archéologie chinoise et les bronzes archaïques collectionnés par des amateurs occidentaux. Pour trouver matière à séduire ces acheteurs asiatiques, il faudra se rendre sur le stand de l’Anglais Robert Hall qui présente une sélection de tabatières chinoises d’époque Qianlong de pedigree impérial ; à la galerie Littleton & Hennessy Asian Art, autour d’un bitong (pot à brosses) impérial de la dynastie Qing, gravé d’un poème écrit par l’empereur Qianlong et issu de la prestigieuse collection Jizhen Zhai ou encore chez Blitz d’Amsterdam qui a sorti une coupe en corne de rhinocéros sculptée de 16 cm, marquée « Xuanhe » sur la base, de la fin de la dynastie Ming-début de la dynastie Qing

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°254 du 2 mars 2007, avec le titre suivant : L’art asiatique s’étend

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