La première d’une longue série ?

Sept Klimt revendiqués en Autriche après le vote de la loi de restitution

Le Journal des Arts

Le 4 décembre 1998 - 709 mots

Conséquence de la loi sur la restitution d’œuvres d’art confisquées aux Juifs pendant la guerre, votée par le Parlement autrichien, une première revendication a été adressée à l’Autriche. Sept tableaux de Gustav Klimt, estimés près de 100 millions de dollars (565 millions de francs), sont au cœur de cette requête, à laquelle d’autres devraient bientôt succéder.

NEW YORK (de notre correspondant) - Une femme âgée de 82 ans, d’origine viennoise et résidant à Los Angeles depuis cinquante ans, réclame sept des œuvres les plus fameuses de Gustav Klimt, qui appartiennent aujourd’hui à la collection de l’Österreichisches Galerie de Vienne. Maria Altmann est l’héritière de Ferdinand Bloch-Bauer, un industriel juif tchécoslovaque dont les biens ont été saisis par les autorités autrichiennes après l’Anschluss de 1938. Ferdinand Bloch-Bauer avait rassemblé des collections de tableaux, de porcelaines et d’arts décoratifs qui toutes ont été confisquées. Exilé en Suisse, il est mort dans la misère en 1945.

Parmi les sept tableaux revendiqués aujourd’hui, figurent deux portraits d’Adele Bloch-Bauer, l’épouse de Ferdinand, décédée en 1925. Adele Bloch-Bauer I, Gold (1907) est estimé près de 30 millions de dollars (170 millions de francs), et l’ensemble des sept tableaux à près de 100 millions (565 millions de francs). Les Bloch-Bauer comptaient en effet parmi les plus grands mécènes de Klimt, qui a peint plusieurs portraits d’Adele et était un habitué du salon que la famille tenait dans son “palais” de la Elisabethstrasse, à Vienne. À la mort d’Adele, Ferdinand avait décoré une pièce à sa mémoire avec les sept œuvres de Klimt.

Certains tableaux de la collection Bloch-Bauer se sont retrouvés dans les collections privées d’Adolf Hitler et d’Hermann Goering, de même que des bijoux ayant appartenu à Maria Altmann. D’autres ont été envoyés à l’Alte Pinakotek de Munich, à Dresde, ou encore choisis pour rejoindre plus tard la collection du gigantesque musée de Linz projeté par Hitler. En 1941, les porcelaines, les tableaux restants et d’autres biens ayant appartenu à la famille Bloch-Bauer ont été vendus aux enchères afin de payer l’impôt spécial auquel les Juifs étaient assujettis. Les œuvres de Klimt sont entrées au Musée autrichien grâce à une transaction négociée par Erich Fuehrer, l’avocat chargé de la gestion du patrimoine des Bloch-Bauer, qui, selon des informations publiées récemment dans la presse viennoise, aurait été un nazi.

Une loi adoptée à l’unanimité
Maria Altmann a entrepris, à partir de 1948, des démarches pour retrouver les biens pillés par les nazis. Des tableaux et porcelaines ont été rendus à la famille, mais, d’après les héritiers, les Klimt sont restés au musée car la loi exigeait qu’ils fassent aux institutions publiques des donations d’une valeur égale à celle des œuvres qu’ils souhaitaient sortir du pays. Jusqu’à cette année, Mme Altmann avait perdu tout espoir de récupérer le moindre bien. Toutefois, aucun des biens ayant appartenu à la famille Bloch-Bauer ne figurait en 1996 dans la vente des œuvres d’art confisquées aux Juifs qui étaient entreposées depuis des décennies au monastère de Mauerbach. Au début du mois d’octobre, le Parlement autrichien a voté une loi visant à faciliter la restitution des objets saisis durant la période nazie, ou donnés sous la contrainte aux institutions publiques après la guerre. Le texte, adopté à l’unanimité, témoigne des pressions toujours plus fortes exercées sur l’État autrichien pour encourager les musées à divulguer les œuvres pillées appartenant à leurs collections, et faciliter ainsi leur retour à leurs propriétaires d’origine. La loi concerne également les objets achetés en “toute bonne foi” après la guerre. La ministre de la Culture autrichienne Elizabeth Gehrer estime qu’au moins 500 objets confisqués par les nazis sont restés en Autriche en 1945, puis au cours des années suivantes parce que la loi interdisait l’exportation de biens culturels, et annonce que leur restitution pourrait commencer d’ici la fin de l’année.

“Mon oncle aurait sûrement souhaité que nous héritions de ses biens, et n’aurait jamais rien donné à l’Autriche après tout ce qu’il a subi”, a déclaré Maria Altmann. D’autres familles victimes des nazis, notamment les Rothschild, suivent l’affaire avec attention. Randol Schönberg, l’avocat de Mme Altmann, est lui aussi d’origine viennoise. Il est le petit-fils du compositeur Arnold Schönberg qui a fui Vienne en 1938 et dont la famille n’a récupéré pratiquement aucun des biens confisqués par les nazis.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°72 du 4 décembre 1998, avec le titre suivant : La première d’une longue série ?

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