Photographie - Ventes aux enchères

La photo sous le marteau

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2013 - 1214 mots

Avec plus de dix vacations et près de 1 300 photos aux enchères, Paris confirme sa place de capitale européenne de la photo. L’offre se spécialise de plus en plus.

Dans le sillage de Paris Photo, sont attendues plus de dix ventes d’importance consacrées à la photographie comprenant quelque 1 300 tirages. Paris confirme ainsi qu’elle est, aux côtés de New York, l’une des capitales de la photo, Londres s’étant vu détrônée après le déménagement vers la France en 2011 des départements photo de Christie’s et Sotheby’s. Aussi la concentration autour de Paris Photo, visible depuis quelques années, s’est-elle, fortement accélérée. Cette année, si on ne remarque pas de vente monographique, dont Avedon et Cartier-Bresson avaient fait de beaux exemples en 2010 et 2011 chez Christie’s, on note une certaine spécialisation des ventes, certaines maisons n’hésitant pas à organiser plusieurs ventes très ciblées. Les trois périodes phares de la photographie, ancienne, moderne et contemporaine restent bien représentées, même si les périodes les plus récentes tendent à gagner du terrain.

« Dès que la qualité est là, les œuvres se vendent très cher. Il y a un marché pour toutes les catégories, surtout pour les années 1920-1930 et le modernisme, époque qui a le plus de potentiel », explique Simone Klein, responsable Europe du département photo de Sotheby’s. Matthieu Humery, chez Christie’s, est plus pessimiste pour la photo ancienne : « Le XIXe devient de plus en plus confidentiel. Ce marché tend à disparaître car il y a de moins en moins de marchandises disponibles, une tendance qui commence à déborder sur le XXe », confie-t-il. Ainsi, dans ce qui constitue un petit marché, le succès d’une vente dépend fortement des œuvres disponibles, mais aussi de plus en plus de son marketing et de l’actualité des expositions. Côté collectionneurs, deux catégories semblent se dessiner. D’après Simone Klein : « Il n’y a évidemment pas que les collectionneurs photo, le public est plus large. Il y a toujours ceux qui sont concentrés sur la photo, généralement ancienne, mais on note une forte progression de ceux qui collectionnent les techniques multiples. L’effet Paris Photo fait que c’est très mélangé, les clients viennent de partout et on note toujours autant l’arrivée de nouveaux acheteurs. »

Ventes segmentées et acheteurs ciblés
Ce cloisonnement des collectionneurs n’a évidemment pas échappé à Christie’s qui propose trois vacations cette année, selon sa stratégie de segmentation des ventes. « Le marché devient plus spécifique et caractéristique selon les segments, tous les collectionneurs n’ont pas le même intérêt », explique Matthieu Humery. La vente de la collection Agathe Gaillard, première galeriste parisienne à se consacrer à la photo, ouvre la séquence avec un bel ensemble, entre grands maîtres (Henri Cartier-Bresson, August Sander et un focus particulier sur Manuel Alvarez Bravo et André Kertész) et découvertes de l’époque (Larry Clark ou Hervé Guibert). La vente générale, centrée sur les avant-gardes et le surréalisme met Man Ray à l’honneur. De cette valeur sûre, sont proposés le triptyque Le Message Automatique (est. 200 000-300 000 euros*) mais aussi l’iconique Belle haleine, (est. 80 000-120 000 euros*), photographie du flacon de parfum réalisé par Marcel Duchamp, vendu plus de 8 millions par le même Christie’s lors de la vacation Bergé-Saint Laurent de 2009.

D’autres grands noms sont également présents : Gustave Le Gray, Alfred Stieglitz ou Manuel Alvarez Bravo. Enfin, et c’est une première, la maison organise une vacation intégralement dédiée à la photographie contemporaine, dans laquelle il faut remarquer, aux côtés de Sophie Calle ou Thomas Ruff, un ensemble de 28 tirages de Hiroshi Sugimoto (est. 400 000-600 000 euros*). Sotheby’s ne déroge pas à sa ligne de sélectivité des œuvres. Sa vacation présente un panorama de l’ensemble des techniques, styles et époques « sans laisser tomber le XIXe, même si ce n’est pas le plus important commercialement », précise Simone Klein. Ainsi on remarque deux daguerréotypes représentant le port de Nantes (est. 25 000-35 000 et 40 000-60 000 euros*) mais aussi un portfolio d’August Sander de 1954, incluant des tirages de la série Hommes du XXe siècle (est. 80 000-120 000 euros*) ou encore Musée du Louvre 2, Paris de Thomas Struth (est. 140 000-180 000 euros*).

Raretés et documents exceptionnels
Le département photo d’Ader, fondé en 2009, disperse le remarquable fonds de l’Institut catholique de Paris, jamais dévoilé au public et dédié aux œuvres du XIXe. Sont proposées des photos rares du voyage de Désiré Charnay au Mexique, dont les Ruines américaines (est. 200 000-300 000 euros*),  mais aussi l’album de Charles Nègre sur L’Asile impérial de Vincennes, premier exemple de reportage photographique à but social (est. 20 000-30 000*) ou encore des tirages d’étude du Saint suaire. Piasa se distingue avec sa vacation consacrée à « L’ailleurs », « très liée aux découvertes autour du monde de notre consultante Agnès de Gouvion Saint-Cyr », précise l’experte Fanny Bourgeois. Y figurent Danse à Bali d’Henri Cartier-Bresson (est. 18 000-25 000 euros*), le portfolio des Transmutations de Brassaï ou le superbe Voyages parallèles : le bain turc, d’Alain Fleischer. Tajan propose de son côté deux ventes : l’une consacrée à la collection Buhl est axée sur la thématique des mains (tirages de 500 à 20 000 euros*) et présente les œuvres de Brassaï, Mapplethorpe ou Loretta Lux. L’autre met l’accent sur la photographie du XXe et sur les artistes contemporains, avec une sélection de Brassaï, Jacques-Henri Lartigue, David Lachapelle ou Massimo Vitali.

Sous la houlette de Viviane Esders, Yann le Mouël propose un bel ensemble, où se font remarquer une collection autour d’André Kertész mais aussi des œuvres de Brassaï, Irving Penn, Seydou Keïta ou Man Ray, notamment un tirage de Jean Cocteau devant sa sculpture Débourre-pipe. Enfin, Millon présente une vente généraliste où se distinguent les albums d’Hélène Hoppenot, l’une des premières photographes en Chine et au Moyen Orient dans les années 1930 ou la collection Reynaldo Luza et sa centaine de tirages de Jean Moral qui ont révolutionné la photo de mode.

* Tous prix annoncés hors frais

ADER

Expert : Antoine Romand
FONDS DE L’INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS
Le 17 novembre Estimation : 700 000-1 m€ Nombre de lots : 180

CHRISTIE’S
Expert : Mathieu Humery
AGATHE GAILLARD Le 14 novembre à 17h Estimation : 400 000-600 000 € Nombre de lots : 169
PHOTOGRAPHIE CLASSIQUE Le 16 novembre à 15h Estimation : 2-3 m € Nombre de lots : 112
PHOTOGRAPHIE CONTEMPORAINE Le 16 novembre à 17h Estimation : 900 000-1,4 m € Nombre de lots : 60

MILLON
Expert: Christophe Goeury
PHOTOGRAPHIES: COLLECTIONS ET PROPOSITIONS Le 15 novembre à 14h Estimation : 320 000-400 000 € Nombre de lots : 297

PIASA
Expert : Fannie Bourgeois
L’AILLEURS Le 19 novembre à 17h Estimation : 300 000 € Nombre de lots : 184

SOTHEBY’S
Expert : Simone Klein
PHOTOGRAPHIES Le 15 novembre à 16h Estimation : 2,2-3 m € Nombre de lots : 126

TAJAN
Expert : David Guiraud
PHOTOGRAPHIES, COLLECTION BUHL Le 19 novembre à 14h Estimation : 800 000-1 M €
Nombre de lots : 384 PHOTOGRAPHIES Le 20 novembre à 14h Estimation : 350 000-450 000 € Nombre de lots : 214

YANN LE MOUËL
Expert : Viviane Esders
PHOTOGRAPHIES Le 30 octobre à 14h, à Drouot Estimation : 740 000-1 m € Nombre de lots : 287

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°400 du 1 novembre 2013, avec le titre suivant : La photo sous le marteau

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