Restitutions

La mission Zivie, au-delà des œuvres MNR

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2024 - 563 mots

Outre les œuvres inscrites sur les inventaires « Musées nationaux Récupération », des dizaines de milliers d’objets ont été volés aux Juifs entre 1933 et 1945. La mission Zivie a fourni le cadre du processus de restitution à partir de 2018..

Paris. 100 000 objets, au minimum : c’est ce décompte provisoire, réalisé à partir des signalements des familles spoliées, que David Zivie communique pour estimer l’ampleur des objets spoliés aux Juifs français entre 1933 et 1945. La mission qu’il dirige, créée en 2018 par le Premier ministre Édouard Philippe, doit accélérer le processus de restitution, relancé depuis une petite trentaine d’années après une longue période de somnolence : de 1951 à 2023, seulement 199 œuvres ont été rendues aux ayants droit. Si la question du « purgatoire » des œuvres MNR (Musées nationaux Récupération) révélé au grand public par Hector Feliciano a occupé un temps le devant de la scène, de récents cas ont rappelé aux musées que l’exigence de recherche de provenance excède largement les 2 134 MNR : le tableau Rosiers sous les arbres [voir ill.], de Gustav Klimt, restitué par le Musée d’Orsay en 2022, faisait ainsi partie des collections nationales.

La loi du 22 juillet 2023 ouvre une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques pour faciliter ce processus. Mais si le cadre législatif est désormais très favorable aux restitutions, la question des compétences est un facteur essentiel de la mission « Zivie », qui coordonne les efforts des institutions en la matière. Nombreuses sont celles aujourd’hui qui, comme au Louvre, à Orsay ou au Musée de l’armée, confient à un ou plusieurs conservateurs la tâche spécifique de scruter la provenance des objets de leurs collections susceptibles d’être issus de spoliations. Dans le marché de l’art, des maisons de ventes qui omettaient délibérément de mentionner des provenances problématiques il y a trente ans sont devenues proactives dans la recherche de provenance des œuvres apportées par un vendeur. Les galeries, également, ont, à la fin 2023, intégré la recherche de provenance à leur code déontologique.

Ces exigences nouvelles auxquelles des acteurs, hier réticents, se plient désormais, se heurtent à un plafond de compétences : le nombre de professionnels formés en recherche de provenance n’est pas à la hauteur du chantier. Quelques cursus s’adaptent depuis 2019 pour répondre à ce besoin : l’Institut Droit, Art et Culture de l’université Lyon-III comme l’Institut national du patrimoine proposent des séminaires sur les spoliations et la recherche de provenance. L’université Paris-Nanterre a créé en 2022 un diplôme universitaire inédit entièrement consacré à la recherche de provenance. Un premier pas académique pour répondre au défi des moyens humains.

La Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 a permis l’accroissement des moyens octroyés à ces recherches, avec l’obtention de résultats concrets dès 2020, année où 27 œuvres ont été restituées. En avril 2023, ce sont trois œuvres de grande valeur qui ont retrouvé leurs propriétaires grâce à la Mission Zivie : une Vierge à l’Enfant de l’école de Padoue, une scène de bataille florentine du XIVe siècle et une sculpture du gothique castillan. Connues sous les numéros d’inventaires MNR 253, MNR 246 et RFR 41 (équivalent MNR pour la statuaire), ces œuvres ont pu être reliées aux époux Saulmann pour les deux toiles et à Harry Fuld junior pour la statue, des collectionneurs allemands contraints à l’exil à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : La mission Zivie, au-delà des œuvres MNR

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque