Censure - Justice

La justice donne raison au Palais de Tokyo concernant un tableau de Miriam Cahn

Par Alexandre Clappe · lejournaldesarts.fr

Le 30 mars 2023 - 455 mots

PARIS

Une œuvre de l’exposition consacrée en ce moment à l’artiste suisse avait été dénoncée comme pédopornographique.

Le 21 mars dernier à l’Assemblée Nationale, une députée du RN avait interpellé la ministre de la culture Rima Abdul Malak concernant le tableau Fuck Abstraction ! de Miriam Cahn (née en 1949). Exposé au Palais de Tokyo à Paris, dans le cadre d’une rétrospective consacrée à l'artiste suisse jusqu’au 14 mai, il représente une scène frontale de fellation imposée par un tortionnaire sans visage à un personnage beaucoup plus petit, nu, agenouillé et ligoté les mains dans le dos. L’œuvre a été dénoncée par l’élue d’extrême-droite comme une représentation pédopornographique, sous prétexte que le prisonnier serait un enfant. 

Exposée avec d’autres tableaux dans une salle particulière de l’exposition, l’œuvre s’accompagne d’un cartel explicatif qui la contextualise : « Le tableau a été réalisé pendant la guerre en Ukraine et après que les images du charnier de Butcha aient été diffusées ainsi que des images de nombreux viols sur des femmes et des hommes (…). Miriam Cahn réagit sur le vif à la violence de ces images qui ont circulé sur les réseaux sociaux et fait le tour du monde ». L’artiste elle-même s’est défendue d’avoir peint un enfant, arguant que le contraste entre les deux corps figure la puissance de l’oppresseur face à la fragilité de l’opprimé, amaigri par la guerre. « Ce tableau traite de la façon dont la sexualité est utilisée comme arme de guerre » a-t-elle ajoutée.

Miriam Cahn, Fuck Abstraction, 2022. © M. Cahn
Miriam Cahn, Fuck Abstraction !, 2022.
© M. Cahn

Des explications qui n’ont pas convaincu des associations de défense des droits de l’enfant, comme « Juristes pour l’enfance », qui ont déposé une requête demandant le retrait de l’œuvre. Requête rejetée mardi 28 mars par le tribunal administratif de Paris à l'issue d'une audience en procédure urgente de référé-liberté. Le tribunal estime que le maintien de Fuck Abstraction ! dans l'exposition ne constitue pas « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue l'intérêt supérieur de l'enfant ». Il ajoute que le tableau « ne saurait être compris en dehors de son contexte et du travail de l’artiste qui vise à dénoncer les horreurs de la guerre, ainsi que cela est rappelé dans le document de présentation de l’événement distribué au public »

Le Palais de Tokyo s'est félicité de la décision de la justice en sa faveur, regrettant « l’instrumentalisation de cette œuvre d'art » et son interprétation « erronée et orientée ». Le centre d’art contemporain rappelle également que l’exposition comprend un dispositif d’avertissement pour les mineurs, et ajoute que près de 45 000 personnes ont déjà vu l'exposition, intitulée « Ma pensée sérielle », sans recevoir aucune plainte ou signalement.  

De son côté, l'association « Juristes pour l'enfance » a réagi en déclarant que face à « la poursuite d'une atteinte grave à l'intérêt supérieur de l'enfant » elle saisirait le conseil d'État.

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