Los Angeles

La Fondation Lannan suspend ses achats d’art contemporain

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1994 - 562 mots

Ce n’est plus l’Arte povera, mais la pauvreté qui est prioritaire. La Fondation Lannan, le 21 janvier, a annoncé à la surprise générale qu’elle suspendait ses acquisitions d’art contemporain. Son budget, situé entre 2 et 3 millions de dollars par an, financera désormais des activités d’assistance aux pauvres et aux défavorisés.

LOS ANGELES - Les fonds propres de la Fondation Lannan sont estimés à 150 millions de dollars (900 millions de francs). Elle conservera les 1 750 œuvres d’art accumulées en trente-quatre ans d’existence et continuera à financer d’importantes expositions itinérantes, comme elle l’a fait par le passé : citons les présentations récentes d’Anselm Kiefer (1989), Robert Mapplethorpe (1989), Mike Kelley (1993) et les expositions actuelles de Robert Ryman et Bruce Nauman.

La Fondation Lannan a été créée en 1960 par J. Patrick Lannan. En 1981, il fonde en Floride un musée consacré à sa collection : peintures de Clyfford Still, Robert Motherwell, Sam Francis, Morris Louis, Kenneth Noland, Agnes Martin, Brice Marden, Julian Schnabel, David Salle, etc. Il meurt en 1983. En 1990, la fondation, présidée par son fils J. Patrick Lannan Jr, s’installe à Los Angeles, dans un bâtiment industriel de 7000 m2. La décoration de la cour, ou Jardin de la Poésie, est confiée à l’artiste Siah Armajani. La fondation envisageait de s’établir dans des locaux plus spacieux : ce projet d’agrandissement est annulé.

L’aide humanitaire est prioritaire aujourd’hui
On peut comprendre les motivations de la fondation. Depuis deux ans, Los Angeles souffre de tensions et de conflits communs à toutes les grandes villes américaines, mais particulièrement aigus dans la métropole californienne. De plus, les musées et les galeries n’ont pas su sensibiliser à l’art plastique les minorités ethniques ou défavorisées. à quoi servent les musées ? Qui cherchent-ils à éduquer ? Dans quelle mesure doivent-ils réagir au contexte social qui les entoure ? Autant de questions que s’est posée la fondation.

Mais pour le marché de l’art contemporain, la décision de la Fondation Lannan est consternante. Sous la direction de Lisa Lyons, ancien conservateur du Walker Art Center de Minneapolis, la fondation menait depuis quelques années une politique d’acquisitions novatrice et avisée, centrée sur certains artistes comme Mike Kelley, James Turrell, Eva Hesse, ou Charles Ray. Elle possède la plus belle collection nord-américaine d’œuvres de Gerhard Richter.

à la fin de 1993, la fondation a acheté à deux grandes galeries new-yorkaises, Luhring Augustine et Sperone Westwater, deux importantes toiles figuratives du peintre allemand, Femme descendant l’escalier (1965) et Madame Kinder avec son enfant (1967) : la transaction se serait élevée à 1,5 million de dollars. Mais d’autres négociations ont été suspendues du jour au lendemain. Certains artistes, prêts à mettre en vente des œuvres particulièrement intéressantes à des prix serrés, éprouvent une déception qui s’aggravera encore si Lisa Lyons décide de quitter la fondation. Selon certaines sources bien informées, elle est découragée et prise au dépourvu par le caractère brutal du changement d’orientation de la fondation.

Plusieurs expositions sont au programme de la Fondation Lannan : "Perception/Image/Objet" (jusqu’au 15 mai), avec des œuvres récemment acquises de Tom Friedman, Robert Irwin, John M. Miller, Charles Ray, Ad Reinhardt, Gerhard Richter, James Turrell et Jackie Winsor ; l’été prochain, une installation de l’artiste polonais Miroslow Balka, acquise à la Biennale de Venise en 1993 ; enfin, l’hiver prochain, une exposition sous le titre provisoire Facts and Figures ("Faits et chiffres").

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°1 du 1 mars 1994, avec le titre suivant : La Fondation Lannan suspend ses achats d’art contemporain

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