Sous prétexte de sécurité routière, l’État de Floride exige la suppression des peintures sur la chaussée, visant en particulier le symbole de la communauté LGBT.
Le secrétaire américain aux Transports (DOT), Sean Duffy, a publié en juin dernier une directive demandant aux gouverneurs d’identifier les problèmes de sécurité routière. La veille, le secrétaire adjoint du département des Transports de Floride (FDOT) avait diffusé une instruction similaire, ciblant spécifiquement les peintures murales réalisées sur la chaussée. Il donnait alors soixante jours aux villes pour supprimer toutes ces créations, afin de rendre les routes « neutres » et exclusivement dédiées à la circulation. Les seuls marquages autorisés demeurent ceux prévus par la signalisation routière.
Les municipalités ont réagi diversement. Certaines, comme Boynton Beach ou Orlando, ont choisi de se conformer à la directive. D’autres, comme Key West, ont manifesté leur opposition en organisant notamment un « Rainbow Rally » en soutien aux passages piétons arc-en-ciel, symbole de la communauté homosexuelle. St. Petersburg, de son côté, a engagé des discussions avec l’État afin d’obtenir des dérogations pour certaines installations. Mais ces collectivités se trouvent sous la menace de sanctions financières : le gouverneur conditionne le maintien des subventions destinées à l’entretien des routes au respect de la directive.
Les motifs avancés par le FDOT sont essentiellement liés à la sécurité. L’administration estime que les peintures sur la chaussée perturbent conducteurs et piétons. Ces arguments ont été contestés : une étude menée en 2022 par Bloomberg Philanthropies sur 17 intersections équipées de fresques au sol révélait une baisse de 50 % des accidents concernant piétons et cyclistes et une diminution globale de 17 % du nombre d’accidents. L’argument des perturbations pour les véhicules sans chauffeur a également été avancé, mais des recherches ont montré que ces systèmes sont tout autant perturbés par d’autres éléments urbains (mobilier, signalétique, etc.).
Ces justifications ont été mal accueillies par les associations et plusieurs élus locaux. Sam Kaufman, représentant municipal, a déclaré au Washington Post : « Ma conviction est que cela est politiquement motivé et non réellement lié à la sécurité routière ». Les déclarations publiques de Sean Duffy renforcent cette interprétation : « Les contribuables s’attendent à ce que leurs dollars financent des rues sûres, pas des passages piétons arc-en-ciel » et « Les bannières politiques n’ont pas leur place sur les routes publiques ». Selon ses opposants, le gouvernement chercherait à restreindre les expressions artistiques dans l’espace public, en particulier l’imagerie arc-en-ciel associée aux communautés LGBTQ+.
Depuis 2008, les « marches des fiertés » à travers le monde décorent des passages piétons aux couleurs du drapeau arc-en-ciel. Le premier aux États-Unis fut inauguré en 2012 à West Hollywood. Cette pratique s’est depuis inscrite dans la culture LGBTQ+. En Floride, cette mesure s’ajoute à une série de restrictions visant ces communautés. Bior Guigni, directeur du St Pete Pride, a déclaré à OutSFL que l’État « a passé les dernières années à cibler systématiquement les symboles de fierté LGBTQ – en commençant par les salles de classe et les bâtiments gouvernementaux ». Le drapeau créé en 1978 par Gilbert Baker est aujourd’hui un symbole mondialement reconnu ; un exemplaire est conservé depuis 2015 dans le département Architecture et design du Museum of Modern Art (MoMA) de New York.
À Sarasota, le Festival d’art de l’asphalte, qui impliquait plus d’une centaine d’artistes et d’écrivains, doit effacer près de 200 fresques réalisées sur des trottoirs. Chaque œuvre illustrait un épisode de l’histoire de la ville, accompagnée de textes explicatifs. Le passage piéton d’Orlando, peint en hommage aux 49 victimes de l’attentat homophobe du Pulse en 2016, a lui aussi été effacé.
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La Floride efface les fresques aux sols, notamment arc-en-ciel
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