La fiscalité des collections d’entreprise

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 26 novembre 2013 - 791 mots

Adossées à des dispositions fiscales avantageuses, les collections d’entreprises peuvent constituer un soutien opportun à la création contemporaine.

Acteur  complémentaire du soutien public à la création et à l’acquisition d’œuvres d’art, l’entreprise a désormais vocation à jouer un rôle de découvreur ou de pionnier de la scène artistique. Ainsi, elle ne se substitue nullement au financement public, mais réalise au contraire un apport spécifique et original à la culture. Les dispositions fiscales en la matière révèlent alors qu’un tel soutien ne consiste ni en un don, ni en une activité commerciale, mais adopte davantage une voie médiane, notamment par le biais de l’acquisition d’œuvres d’artistes vivants, véritable instrument de valorisation de l’image de l’entreprise, à condition de respecter certaines conditions.

Exposition dans un lieu public
Le législateur a mis en œuvre un mécanisme original afin de favoriser l’acquisition d’œuvres d’artistes contemporains et de soutenir la création artistique au terme de l’article 238 bis AB du code général des impôts (CGI). Ainsi, une déduction spéciale est prévue pour les entreprises qui achètent des œuvres originales d’artistes vivants pour les exposer au public. Afin de pouvoir bénéficier du droit à déduction, il doit s’agir de l’acquisition d’œuvre originale au sens de l’article 98A de l’annexe III du CGI. Si la liste des œuvres visée s’avère fort peu restrictive, la doctrine fiscale impose cependant que l’œuvre ait été entièrement exécutée de la main de l’artiste ou réalisée sous son contrôle pour les fontes et les tapisseries notamment. Par ailleurs, l’artiste doit être vivant au moment de l’achat de l’œuvre, preuve qui pourra être exigée par l’administration. Les modalités d’acquisition des œuvres sont indifférentes, puisque celles-ci peuvent être achetées directement à l’artiste ou par l’intermédiaire d’un tiers, tels qu’une galerie ou un opérateur de ventes volontaires. En revanche, la publicité est un critère essentiel du mécanisme de déduction. En effet, il s’avère nécessaire que cette œuvre soit exposée, à titre gratuit, dans un lieu accessible au public.
À cette fin, l’entreprise peut soit l’exposer dans ses locaux ou lors de manifestations qu’elle ou un tiers organise, soit dans un musée auprès duquel le bien est mis en dépôt, soit par le biais d’une région, d’un département, d’une commune ou un de leurs établissements publics ou un établissement public notamment à caractère culturel. En ce cas, les conditions de dépôt sont déterminées par une convention passée entre le donateur, l’État, et la collectivité ou l’établissement intéressé. De plus, la durée d’exposition doit être égale à la période correspondant à l’exercice d’acquisition et aux quatre années suivantes, soit cinq ans. Enfin, la jurisprudence a pu judicieusement préciser que le fait que les œuvres soient placées dans les bureaux du personnel, et notamment du président-directeur général, ne permettait pas d’être considéré comme étant exposées de manière continue au public. Il en est de même pour un lieu d’exposition réservé aux seuls clients ou aux seuls salariés de l’entreprise, lieu ouvert uniquement de manière ponctuelle, et donc non continue pendant une durée de cinq ans, au public. Au contraire, un hall d’accueil répondant à de telles prescriptions permet l’application des dispositions de l’article 238 bis AB du CGI. Enfin, le législateur a élargi ces dispositions aux instruments de musique prêtés à titre gratuit aux artistes-interprètes qui en font la demande.

Un mécanisme de déduction fiscale

Dès lors, pour les œuvres acquises depuis le 1er janvier 2002 et inscrites sur un compte d’actifs immobilisés, l’entreprise peut déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d’acquisition, augmenté des frais accessoires et diminué de la TVA. Ainsi, les œuvres achetées en vue de leur revente, figurant nécessairement parmi les stocks de l’entreprise, n’ouvrent pas droit à déduction. Cette déduction, effectuée au titre de chaque exercice, ne peut excéder la différence existante entre 5‰ du chiffre d’affaires de la société et le montant des versements ouvrant droit à la réduction d’impôt. Un tel régime concerne uniquement les sociétés soumises de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés, ainsi que celles qui relèvent du régime fiscal des sociétés de personnes. En conséquence, une société à responsabilité limitée réalisant un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros annuels pourra donc déduire à chaque exercice jusqu’à 15 000 euros. Ainsi, l’acquisition d’une œuvre pour un montant de 10 000 euros, directement auprès d’un artiste sans commission, permettra une déduction annuelle de 2 000 euros par exercice et ce sur cinq ans dont l’année d’acquisition, la somme déductible inférieure à la limite globale étant autorisée. Lorsque la fraction du prix d’acquisition ne peut être totalement déduite au titre d’une année, l’excédent non utilisé ne peut être reporté pour être déduit au titre d’une année ultérieure. Le droit fiscal constitue ainsi potentiellement un levier d’aide au développement de la scène artistique française, par le biais des collections des entreprises mécènes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°402 du 29 novembre 2013, avec le titre suivant : La fiscalité des collections d’entreprise

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