Art ancien

La « Dame à la Licorne » fait le voyage à Toulouse

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 9 novembre 2021 - 510 mots

1484-1538 La datation comme le contexte de création de La Dame à la licorne, tenture composée de six tapisseries, restent en grande partie mystérieux. Cependant l’énigme du commanditaire de cette « Joconde médiévale » a été partiellement résolue : l’étude des blasons représentés sur la tapisserie mène sur la piste de la famille Le Viste, de riches patriciens lyonnais. L’hypothèse la plus récente est celle d’un cadeau de mariage commandée par Antoine II Le Viste pour son épouse, thèse appuyée par la présence des initiales des fiancés et de l’inscription « À mon seul désir ».

1835 Le château de Boussac dans la Creuse, où dormaient les tapisseries, est racheté par la commune du même nom. George Sand visite plusieurs fois les lieux en voisine et tombe sous le charme de la Dame à la licorne. Elle est fascinée par l’iconographie représentant les cinq sens, mais aussi par une légende qui attribuerait la création de ce chef-d’œuvre à un prince ottoman exilé dans le Limousin. L’autrice mentionne dans sa correspondance huit tapisseries, au lieu des six connues aujourd’hui. Prosper Mérimée, qui propose de classer les tapisseries en 1841, relate lui aussi l’existence de tentures « plus belles », qui auraient été réutilisées en tapis. L’ensemble est-il incomplet ?

1956 Un écrin est spécialement créé pour la Dame à la licorne au Musée de Cluny. La tapisserie avait gagné les collections du Musée national du Moyen Âge dès 1882. Soixante-dix ans plus tard, Jean Trouvelot, architecte en chef des Monuments historiques, imagine une rotonde éclairée par un puits de lumière pour accueillir cette œuvre unique et en faire le trésor du parcours. Une muséographie immersive qui se révélera néfaste pour les conditions de conservation de la tapisserie. À l’issue d’une campagne de restauration, l’œuvre gagnera en 2013 une salle rectangulaire plus adaptée à sa conservation, et plus proche de ses probables conditions d’accrochage originelles.

1974 La Dame à la licorne traverse l’Atlantique pour son premier grand voyage. Présentée quelques mois auparavant au Grand Palais, l’exposition « Chefs-d’œuvre de la tapisserie du XIVe au XVIe siècle » attire 400 000 visiteurs dans les allées du Metropolitan Museum à New York. L’œuvre phare de Cluny y retrouve sa cousine américaine La Chasse à la licorne, une série de sept tapisseries commandée par Anne de Bretagne en 1499, acquise par John Rockefeller Junior en 1922. Voyageant peu, la Dame à la licorne profite des travaux de rénovation de Cluny pour s’évader au Japon, en 2013, puis en Australie en 2018.

2021 La Dame à la Licorne est exposée pour la première fois en France en dehors du Musée de Cluny. C’est à Toulouse, dans un lieu d’art contemporain, que les tapisseries renouent depuis le 30 octobre avec le public français. L’exposition des Abattoirs, Musée-Frac Occitanie [jusqu’au 16 janvier 2022] confronte l’œuvre du XVIe siècle aux travaux de six artistes ou collectif d’artistes. Rapport à la nature, représentation féminine : les thèmes permettent de faire le parallèle entre les tapisseries médiévales et les œuvres d’aujourd’hui. Et pourquoi pas de percer le mystère de l’énigmatique sixième sens que représenterait la sixième tapisserie de l’ensemble.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°577 du 12 novembre 2021, avec le titre suivant : La « Dame à la licorne » fait le voyage à Toulouse

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