États-Unis - Politique culturelle

POLITIQUE CULTURE AMÉRICAINE

Joe Biden veut accélérer la restitution de leurs biens aux peuples autochtones

Par Marion Krauze · Le Journal des Arts

Le 14 février 2024 - 595 mots

Les musées doivent désormais obtenir le consentement des Amérindiens pour exposer des objets appartenant à leur culture, ou bien les leur rendre.

Washington, D. C. L’administration Biden a révisé la législation fédérale sur la protection du patrimoine amérindien. Entrée en vigueur en janvier 2024, la nouvelle réglementation durcit les conditions de détention et d’exposition des restes ancestraux et des objets autochtones.

Les musées américains doivent de ce fait repenser en profondeur la manière dont ils exposent les cultures indigènes. Certains d’entre eux, à l’instar du Field Museum (musée d’histoire naturelle) de Chicago et du Cleveland Museum of Art, ont déjà recouvert plusieurs de leurs vitrines, tandis que d’autres ont retiré les artefacts concernés. L’American Museum of Natural History de New York a quant à lui pris la décision de fermer temporairement ses deux salles consacrées aux forêts de l’Est et aux Grandes Plaines, dès le 26 janvier. Sean Decatur, le directeur du musée, en convient : « Ces salles sont les vestiges d’une époque où les musées ne respectaient pas les valeurs, les perspectives et même la dignité des peuples autochtones. »

Un délai de cinq ans pour une mise à jour des inventaires

Ces nouvelles règles amendent une loi fédérale promulguée en 1990, la Native American Graves Protection and Repatriation Act (Nagpra), qui exige que les biens culturels amérindiens ayant été déterrés soient rendus aux Améridiens. Mais les représentants des tribus avaient critiqué la loi pour ses lacunes et sa mise en œuvre trop lente. Selon un rapport d’enquête de ProPublica publié en décembre 2023 sur leur site, plusieurs institutions ont en effet exploité les failles du texte de la Nagpra pour retarder ou éviter la restitution des restes ancestraux et objets autochtones présents dans leurs collections. Les musées américains détenaient alors encore pas moins de 97 000 dépouilles amérindiennes.

La principale visée de l’amendement Biden consiste à accélérer le rapatriement des restes humains et des objets funéraires indigènes. Pour ce faire, le gouvernement fixe un délai de cinq ans aux institutions américaines, leur donnant jusqu’à 2029 pour consulter les tribus, mettre à jour leurs inventaires, identifier et préparer les dépouilles et effets funéraires à être restitués aux peuples qui en font la demande. Dans la nouvelle réglementation, également, est supprimée la catégorie des « restes humains culturellement non identifiables », qui permettait à certains musées de les conserver sous prétexte qu’ils ne pouvaient être rattachés à aucune communauté autochtone actuelle en raison du manque d’informations dont les établissements disposent. Les musées devront désormais déterminer, d’un commun accord avec les tribus consultées, quelle communauté peut légitimement les revendiquer.

Les institutions pourront toujours exposer ou effectuer des recherches sur les objets autochtones liés à des pratiques ou des croyances culturelles, religieuses ou funéraires, mais l’amendement exige dorénavant qu’elles aient obtenu l’accord des descendants des tribus pour cela. Celles qui enfreignent ces lois risquent de lourdes amendes et la perte de leurs subventions.

Pillages et profanations

Les collections des musées américains renferment un nombre considérable de restes humains et d’objets funéraires, sacrés et culturels d’origine amérindienne et hawaïenne. Une grande partie de ces artefacts sont issus de pillages massifs de tombes, de profanations de sites sacrés et de destructions de lieux de sépulture, menés par les colons américains et canadiens lors des conflits qui les ont opposés aux tribus amérindiennes à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle. En parallèle, l’intérêt croissant pour l’anthropologie a entraîné la création de départements spécialisés dans ce domaine au sein des institutions américaines, qui ont alors cherché à acquérir ces objets pillés ou exhumés clandestinement lors de fouilles archéologiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : Joe Biden veut accélérer la restitution de leurs biens aux peuples autochtones

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