La nouvelle version de ce site d’hébergement et de visualisation de fichiers 3D ne garantit plus la libre mise à disposition des créations.
Paris-New York. Bien connu des archéologues, des artistes, mais aussi des historiens de l’art s’intéressant au numérique, Sketchfab est l’un des principaux sites d’hébergement et de visualisation de fichiers 3D en ligne. Lancée en 2011-2012, entre Paris et New York, la plateforme s’est peu à peu imposée comme un acteur majeur dans ce secteur et compte aujourd’hui plus d’une dizaine de millions d’utilisateurs. Elle abrite notamment une section « patrimoine culturel et historique » qui a dépassé, en 2019, le cap des 100 000 modèles hébergés.
De la Pierre de Rosette (voir ill.) au célèbre Ours blanc de Pompon, en passant par une multitude de chantiers archéologiques, de monuments historiques et d’œuvres d’art en tout genre, Sketchfab est un répertoire de fichiers 3D d’une très grande richesse et variété. Il est alimenté, sur un modèle collaboratif, et utilisé aussi bien par des usagers particuliers, des entreprises privées, mais également par de nombreuses institutions culturelles.
Bien qu’étant une plateforme privée et marchande, Sketchfab offre la possibilité d’héberger et de partager gratuitement du contenu réutilisable et en libre accès grâce au système de licences Creative Commons. Ainsi, en 2019, la section « patrimoine culturel et historique » abritait plus de 20 000 modèles qui étaient à la disposition de tous et immédiatement téléchargeables. Ils peuvent facilement servir au-delà de Sketchfab et être réemployés de diverses manières, aussi bien pour l’enseignement et la recherche, que pour la création d’un jeu vidéo ou même l’impression d’un modèle 3D. Ce positionnement est le résultat d’une stratégie visant à atteindre le plus rapidement possible une masse critique d’utilisateurs et de données afin de se rendre indispensable, malgré des pertes économiques financées par des levées de fonds, dans le but de pouvoir monétiser au mieux leur solution.
Impulsée par les cofondateurs de Sketchfab, Alban Denoyle, Cédric Pinson et Pierre-Antoine Passet, cette stratégie a permis de devenir le principal player 3D existant et de s’imposer aussi comme le site numéro un dans ce domaine. Cette tactique s’est incarnée dans le champ patrimonial avec la mise en place d’une multitude de partenariats permettant d’héberger et de présenter de vastes collections numérisées ainsi que des portfolios de nombreux musées, universités, mais aussi artistes, designers et architectes à travers le monde.
Ce modèle d’accessibilité est néanmoins depuis quelque temps fortement remis en question avec le rachat de Sketchfab par Epic Games en 2021. Poids lourd du secteur du jeu vidéo, cette société est mondialement connue pour « Fortnite » ou encore la série des « Gears of Wars », elle est aussi propriétaire du moteur Unreal Engine. Epic Games a lancé en octobre 2024 sa nouvelle plateforme unifiée – FAB – au sein de laquelle l’éditeur rassemble toutes ses offres de ressources numériques (Quixel, ArtStation Marketplace, etc.) dont celles proposées par Sketchfab. Problème : cette migration forcée n’est pas complète, Epic Games précise que les modèles partagés sous licences gratuites et en libre accès (CC0, CC BY-ShareAlike, CC BY-NonCommercial, ou CC BY-NoDerivatives) ne pourront pas être transférés sur FAB, puisqu’à ce stade, la nouvelle plateforme ne gère pas ces modes de diffusion. Les inquiétudes sont donc nombreuses parmi les utilisateurs de Sketchfab, pour la plupart sceptiques vis-à-vis du nouveau modèle proposé, et redoutant l’arrêt de la plateforme, ce qui entraînerait, selon eux, une vaste perte de précieuses données.
À l’initiative d’une utilisatrice (Emily Esser), une pétition, intitulée « Maintenir Sketchfab en vie : Préserver le libre accès aux collections d’art et de musées en 3D » a été lancée. Selon son instigatrice, l’arrêt de cette plateforme et son changement de modèle serait « l’équivalent virtuel de l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie ». De son côté, le géant américain temporise et se veut rassurant.. Interrogé par Games Industry, Bill Clifford, vice-président d’Epic Games précise que « nous ne supprimerons en aucun cas le contenu de qui que ce soit, ce n’est pas à nous de le faire ». Toujours d’après lui, Epic Games aurait « clairement indiqué que rien ne changera aujourd’hui sur Sketchfab en dehors de la boutique ».
Au-delà des inquiétudes et de la mobilisation autour de cette plateforme, des alternatives et des contre-modèles existent et essayent de se mettre en place, notamment dans le champ de l’archéologie, avec le Conservatoire national des données 3D (CND3D). De même, la DSIUN de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne travaille actuellement à la création de sa propre solution d’hébergement et de diffusion selon Vincenzo Capozzoli, maître de conférences en archéologie numérique.
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Incertitude sur le libre accès à la plateforme Sketchfab
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°644 du 29 novembre 2024, avec le titre suivant : Incertitude sur le libre accès à la plateforme Sketchfab