Polémique

Hirschhorn se révolte

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 17 décembre 2004 - 491 mots

Son exposition au CCS crée des remous en Suisse.

PARIS - La polémique enfle en Suisse depuis l’ouverture le 4 décembre de l’exposition de Thomas Hirschhorn, « Swiss-Swiss Democracy », au Centre culturel suisse (CCS) à Paris. L’artiste, qui refuse d’exposer dans son pays depuis que Christoph Blocher, de l’Union démocratique du centre (UDC, droite populiste), est conseiller fédéral de justice et police, entend tenir le siège du centre culturel. À l’invitation de Michel Ritter, directeur de l’institution, Thomas Hirschhorn a entièrement habillé le centre de carton, scotch et coupures de presse dans une esthétique que l’artiste développe depuis de nombreuses années, notamment dans les pavillons éphémères qu’il a construits dans des quartiers sensibles à Avignon, Cassel ou Aubervilliers. Jusqu’au 30 janvier, l’artiste est présent tous les jours sur place pour « déstabiliser la bonne conscience démocratique ». Et de poursuivre dans sa note d’intention : « Je me révolte contre l’utilisation de la démocratie, je me révolte contre l’absurdité de la démocratie directe aujourd’hui en Suisse, mon pays, et je me révolte contre l’élection du conseiller fédéral Christoph Blocher. » Il a ainsi invité Marcus Steinweg comme Gwenaël Morin et sa troupe de théâtre, le premier donnant tous les jours à 16 heures des lectures, les seconds jouant Guillaume Tell à 19 heures. Or, dans cette pièce de théâtre, les spectateurs voient un comédien prêt à uriner comme un chien sur un portrait de Christoph Blocher. En Suisse, les réactions ne se sont pas fait attendre. Dès le 6 décembre, Pro Helvetia, la Fondation suisse pour la Culture qui a financé l’exposition, a publié un communiqué indiquant que la Fondation « cautionne ce projet mais se distancie de tout ce qui pourrait constituer une attaque personnelle à l’encontre de Christoph Blocher. […] La Fondation n’a pas vocation à censurer. Au contraire : à craindre le débat politique, on priverait l’art de son effet. Le Centre culturel suisse de Paris est la plate-forme culturelle d’un pays démocratique ». Et de préciser que pour ce projet, Thomas Hirschhorn ne touche ni rémunération, ni honoraire.

Le 7 décembre, le Conseil des États, la chambre haute suisse, a sanctionné la Fondation en diminuant, par 24 voix contre 13, sa dotation pour 2005 de un million de francs suisses (33 contre 34 millions de francs suisses). Ce vote doit encore être entériné le 16 décembre par le Conseil national (chambre basse). Yvette Jaggi, présidente de Pro Helvetia, s’est dite scandalisée de cette décision : « Ceux qui fustigent la culture d’État, l’art subventionné, mènent soudain une politique ultra-dirigiste digne des dirigeants de l’ancienne République démocratique allemande (RDA) », a-t-elle déclaré au quotidien genevois Le Temps du 9 décembre. Les cadres du PDC (Parti démocrate-chrétien) ont immédiatement demandé sa démission.

Pour l’heure, nombreux sont les visiteurs à prendre eux-mêmes la mesure de la situation au CCS. Et à visiter l’exposition d’art qui, mieux que n’importe quel autre indicateur, révèle le malaise qui règne aujourd’hui en Suisse.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : Hirschhorn se révolte

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