Grand Paris : le mirage d’une Tate à Gonesse ?

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2012 - 749 mots

GONESSE [16.03.12] - Projet titanesque d’une filiale du groupe Auchan, « EuropaCity » est un équipement touristique unique en son genre, qui doit voir le jour sur des terrains agricoles situés non loin de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Les promoteurs ont imaginé un « mall » où se côtoieraient commerces, loisirs et activités culturelles, dont une grande halle d’exposition qui pourrait se mesurer au Grand Palais.

Les promoteurs immobiliers chercheraient-ils désormais à attiser la concurrence entre grands musées internationaux ? À en croire Le Journal du Dimanche du 4 mars, la Tate Modern, à Londres, souhaiterait en effet implanter « une antenne » à quelques encablures de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Narguant ainsi, à 25 km au nord de la capitale, le Centre Pompidou. Si un vaste projet culturel doit bien voir le jour dans le cadre de l’ambitieux projet d’équipement baptisé « EuropaCity », la réalité est plus nuancée. Sur le vaste triangle de Gonesse (Val-d’Oise), encore occupé par de nombreux terrains agricoles en exploitation, l’établissement public d’aménagement de la Plaine de France a en effet accepté de céder 80 hectares, soit un tiers de l’ensemble, au Groupe Auchan, piloté par la famille Mulliez – par ailleurs très engagée à titre privé en faveur de l’art contemporain. le groupe spécialisé dans la grande distribution prévoit en effet d’y bâtir, via sa filiale Immochan, un centre commercial d’un nouveau genre, « unique au monde », qui a d’ores et déjà reçu le label du « Grand Paris ». Dès octobre 2010, le projet était présenté par le député maire de Gonesse, Jean-Pierre Blazy (PS), devant son conseil municipal : « "EuropaCity" est un équipement touristique d’ambition métropolitaine mixant dans un même lieu commerces, loisirs et activités culturelles, articulé autour de la découverte des pays de l’Europe. » Un vrai morceau de ville devrait ainsi y être édifié, mêlant commerces mais aussi piste de ski indoor, parc nautique, parc de loisirs, salles de concert et de spectacle mais aussi équipements culturels. Le concept de « vitrine des cultures européennes » organisé « autour de cinq univers culturels (britannique, méditerranéen, nordique, slave et français) » demeure quant à lui assez obscur. Les objectifs n’en sont pas moins ambitieux : accueillir 30 millions de visiteurs par an quand le Forum des Halles, à Paris, en draine 40 millions. Cela en ciblant un public francilien mais aussi étranger, attiré par la proximité de l’aéroport Charles-de-Gaulle, en tablant sur une hausse de la fréquentation de 15 à 20 % dans les années à venir, notamment grâce aux pays émergents.

Sur les 450 000 mètre carrés de surfaces du futur « mall », les espaces commerciaux ne représenteront toutefois que 30 % du dispositif, le reste étant dédié à un autre type de consommation : ludique et culturelle. Cette dernière offre devrait ainsi être déployée sur 50 000 mètres carrés – « l’équivalent de Beaubourg », explique un porte-parole du Groupe Auchan –, dans le cadre d’une grande halle d’exposition. « À Paris, il n’existe que la nef du Grand Palais pour accueillir les grands événements artistiques. Nous proposerons une offre complémentaire. » Il reconnaît pourtant que celle-ci devrait, à terme, apparaître concurrente du Grand Palais. Le choix du chef d’orchestre de cet espace culturel semble toutefois loin d’être défini. D’après le Groupe Auchan, les lieux n’auraient pas vocation à être pilotés par un seul opérateur, mais l’événementiel y serait privilégié, en prenant notamment comme référence les grandes installations d’artistes présentées dans le Turbine Hall de la Tate Modern. Un exemple que le Palais de Tokyo et le Musée d’art moderne de la Ville de Paris voudraient déjà transposer sur le parvis reliant les deux établissements, face à la tour Eiffel.

« À proximité d’un supermarché »
Le Centre Pompidou, dont le président, Alain Seban, ne cache pas son souhait d’installer une partie de la collection en région parisienne et « à proximité d’un supermarché », aurait également manifesté son intérêt pour le projet. De son côté, la Tate Modern dément avec vigueur avoir noué tout contact avec Immochan. En attendant, EuropaCity était la star du « Mipim », le marché international des professionnels de l’immobilier, qui se tenait à Cannes du 6 au 9 mars, où Maurice Leroy, ministre de la Ville et chargé du Grand Paris, est venu le soutenir en personne. À l’automne sera annoncé le choix de l’architecte lauréat, parmi les quatre finalistes (Manuelle Gautrand, Snohetta, BIG et Valode & Pistre). Restera alors à définir avec précision les contours d’un projet culturel encore très abscons. Sachant que Paris intra-muros devrait être bientôt doté d’un Grand Palais rénové mais aussi d’un nouvel espace dédié aux grands événements culturels : la Halle Freyssinet, que l’État vient de classer en totalité. Et qu’il faudra désormais faire vivre.

Légende photo :

Le projet de l'équipe Snohetta/Gehry Technologies/RWDI pour EuropaCity. Le projet retenu par le groupe Auchan sera connu à la fin 2012. © Snohetta.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°365 du 16 mars 2012, avec le titre suivant : Grand Paris : le mirage d’une Tate à Gonesse ?

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