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Françoise Cachin, directeur des Musées de France

Le retour des conservateurs à la tête de l’institution

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 1994 - 704 mots

PARIS

Françoise Cachin, directeur du Musée d’Orsay depuis son ouverture, a été nommée le 20 juillet directeur des Musées de France. Sa nomination marque non seulement un retour des conservateurs de musées à la tête de l’institution, mais également un changement possible en matière de protection du patrimoine et de circulation des œuvres d’art, comme le laisse envisager le texte qu’elle avait publié dans le Journal des Arts.

PARIS - Spécialiste de l’impressionnisme et du post-impressionnisme, directeur du Musée d’Orsay depuis 1986, Françoise Cachin succède à un énarque, membre de la Cour des Comptes, Jacques Sallois, qui avait été le directeur de cabinet de Jack Lang, lors de son premier ministère, "historique", en 1981.

Socialiste, Jacques Sallois, à la tête de la DMF depuis 1990, avait été désigné comme l’une des premières victimes d’un "spoil system" à la française, après le retour de la droite au pouvoir en 1993. En fait, la préparation de la "loi musées" l’avait maintenu en fonction, mais son échec a provoqué son départ. Jacques Sallois, que le ministre de la Culture et de la Francophonie, Jacques Toubon, a démis de ses fonctions le 7 juillet, avait succédé au journaliste Olivier Chevrillon. L’arrivée de Françoise Cachin rue des Pyramides rend donc la direction des trente-quatre musées nationaux et la gestion scientifique de mille autres à travers toute la France à une personnalité du "corps".

Reconnue pour sa rigueur scientifique et son autorité, Françoise Cachin, petite-fille de Paul Signac et du député communiste Marcel Cachin, apporte une aura incontestable à une direction qui reste certes prestigieuse mais qui a perdu de son lustre : de grands musées comme le Louvre, Versailles, ou Orsay également, ont pris leur indépendance, sans parler du Centre Pompidou.

Néanmoins, au-delà du contrôle des musées, la direction des musées de France garde un rôle essentiel dans le contrôle de la circulation des œuvres d’art. Nos lecteurs ont eu la primeur des réflexions du nouveau directeur, puisque dans un texte co-signé avec Pierre Rosenberg, conservateur en chef du département des peintures du Louvre (le JdA n°5, juillet-août), Françoise Cachin se prononçait pour une réforme des textes en vigueur. Les deux conservateurs déploraient que "de tous les pays européens, la France soit aujourd’hui le seul à ne plus diposer d’une véritable protection de son patrimoine artistique".

Ils constataient que dans la nouvelle Europe, née en janvier 1993, la France se trouve "totalement démunie" puisqu’elle n’avait envisagé que des "solutions douanières" pour interdire de sortie les œuvres présentant un intérêt historique.

Ces propos pourraient sous-entendre une politique plus dirigiste. Dans ce cas, Françoise Cachin – nommée par un gouvernement affichant le libéralisme comme doctrine – succéderait paradoxalement à un directeur, nommé par un gouvernement socialiste, qui a mis en place pour la circulation des œuvres d’art le système le plus libéral jamais vu en France.

Pour Françoise Cachin, l’exemple à suivre vient d’outre-Manche : "l’Angleterre, dans sa sagesse pragmatique, a trouvé depuis longtemps des solutions libérales qui à la fois protègent les collectionneurs, et permettent aux musées, mieux dotés de fonds publics et privés, d’acquérir le cas échéant des œuvres très importantes", écrivait-elle dans le Journal des Arts.

Elle se prononçait pour des mesures fiscales encourageant les propriétaires de "trésors nationaux" à les conserver, les collectionneurs à en acquérir. Elle souhaitait une augmentation des crédits d’acquisition des musées, une affectation des bénéfices du loto, ou la création d’une taxe frappant les œuvres vendues ou exportées, au profit toujours des collections publiques.

Le nouveau directeur aura besoin de toute son autorité pour faire passer cette charte dans les faits, car la préparation de la "loi musées" a buté sur les résistances farouches du ministère du budget à accorder toute nouvelle exonération fiscale.

Néanmoins Jacques Toubon lui a confié comme mission de "participer à la restructuration et à la relance du marché de l’art français en améliorant et en complétant par de nouveaux dispositifs les moyens d’enrichissement des collections publiques et de protection des œuvres d’art relevant du patrimoine national en liaison avec les autres services concernés".

De même, le ministre a tenu à souligner que la "loi musées" n’était pas pour lui enterrée, en confiant au nouveau directeur le soin "d’engager les consultations nécessaires pour conduire à son terme l’élaboration du projet".

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°6 du 1 septembre 1994, avec le titre suivant : Françoise Cachin, directeur des Musées de France

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