Enseignement

Faire du neuf avec du vieux

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2008 - 834 mots

Le rapport sur l’éducation artistique et culturelle préconise de renforcer les dispositifs déjà existants sans reconsidérer le statut de l’histoire de l’art dans l’enseignement.

Atelier pour enfantsau Palais de Tokyo

Objectif premier de la lettre de mission adressée par le président de la République, le 1er août 2007, à la ministre de la Culture, la mise en œuvre de la démocratisation culturelle par le biais de l’éducation artistique et culturelle devait donner à l’histoire de l’art un souffle nouveau, comme l’avait confirmé par la suite Christine Albanel. Au vu du rapport remis peu avant les fêtes de fin d’année aux deux ministères de l’Éducation et de la Culture, par Éric Gross (inspecteur général de l’Éducation nationale et ancien conseiller pour la Culture à Matignon auprès de Dominique de Villepin), il n’en sera rien. Comprenant vingt propositions et huit recommandations, son texte déclare d’entrée de jeu que consacrer des heures supplémentaires à l’enseignement d’une nouvelle discipline n’est tout simplement « pas réalisable »... Cela fait déjà plusieurs années que même les plus optimistes avaient renoncé à la création d’un Capes et d’une agrégation d’histoire de l’art. Mais les propositions actuelles se situent à la limite du mépris pour la discipline. Le rapport prône la création d’un enseignement obligatoire d’histoire de l’art, mais ce, « au sein des disciplines et des enseignements existants ». L’histoire de l’art serait enseignée par « des professeurs capables d’intégrer à leur cours des éléments d’histoire des arts », c’est-à-dire par des professeurs de lettres, de langues, de philosophie et, pourquoi pas, est-il précisé, par un professeur de mathématiques pour des cours d’architecture ?... « C’est aberrant !, nous a confié une enseignante en mathématiques. Nos classes sont surchargées, nous n’avons plus les moyens de mener à bien nos programmes ; je ne vois pas comment y introduire de nouvelles disciplines pour lesquelles je n’ai reçu aucune formation ! » Pour ce qui est de leur formation justement, le rapport conseille de « créer une section histoire de l’art aux concours de l’agrégation et du Capes », laquelle permettrait aux lauréats d’être chargés de missions de formation dans les IUFM (Institut de formation des maîtres). Une initiative présentée seulement en fin du rapport dans la rubrique « recommandations », et non dans la partie concernant les « exigences générales ». En outre, cette section aux concours donnerait à l’histoire de l’art « un sens élargi à la musique, au théâtre et au cinéma », bien éloigné, donc, de la rigueur et de l’essence même de la discipline (lire à ce propos en page 32 la chronique de Roland Recht). Pour mieux sensibiliser les futurs professeurs étudiants de l’IUFM, Éric Gross recommande l’instauration de « crédits arts et culture » nécessaires à l’obtention du diplôme, tandis que chaque stagiaire enseignant devrait suivre une formation obligatoire en éducation artistique et culturelle.

Les institutions culturelles sont, quant à elles, priées de développer leurs dispositifs pour accueillir les enseignants. Dans cet esprit, le rapport évoque la création d’une journée gratuite annuelle pour les visites scolaires et appelle à la gratuité pour les enseignants dans tous les musées et monuments nationaux français – mesure à laquelle Christine Albanel s’était déjà déclarée « très ouverte » le 20 novembre. Autre proposition concrète : la création (« pourquoi pas sur l’île Seguin ») d’un « centre national d’accueil » capable d’héberger 500 élèves pour de courts séjours dédiés à la visite des incontournables parisiens. De manière générale, le rapport préconise de renforcer des dispositifs déjà en place comme l’Espace de rencontre avec l’œuvre d’art (EROA), initié par les académies de Lille ou Caen, qui permet aux établissements scolaires d’organiser une exposition avec des œuvres prêtées pour l’occasion.

Pour développer leurs projets culturels, les établissements sont invités à transformer leur CDI (centre de documentation et d’information) en de véritables médiathèques, ou encore de consacrer des salles de leur établissement à des expositions. Si, au passage, les collectivités territoriales pouvaient « prendre part aux moyens », ce serait tout bénéfice ! Pour renforcer le partenariat État/collectivités, le rapport suggère la signature, dans chaque académie, d’une convention avec les collectivités locales afin de « déterminer les objectifs prioritaires à viser » sur le territoire. Il faudrait encore créer une « délégation à l’Éducation artistique et culturelle » au sein du ministère de l’Éducation, équivalent de la DDAI (délégation au Développement et à l’Action internationale) du ministère de la Culture, pour une meilleure coordination entre les deux cabinets.

Le tout sans moyens
« Favoriser le mécénat » est une des solutions à envisager, car il n’est nullement question de dotation de moyens supplémentaires, sujet quasiment tabou dans ce rapport. Le texte semble aller dans le sens des déclarations, en septembre, du Premier ministre, François Fillon, d’après qui, dans l’Éducation nationale, « l’on peut faire mieux avec moins de gens ».

Mais avant même d’aborder la question des moyens, il faudrait surtout reconsidérer et prendre au sérieux une discipline à part entière, l’histoire de l’art, qui ne se résume pas à quelque option et relève d’un corps de métiers spécifique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Faire du neuf avec du vieux

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